Trafics de stupéfiants à Angoulême 

Trafics de stupéfiants à Angoulême : Saisie de 422 Kg de Cannabis, Relaxe pour l’un de nos clients et une peine réduite de moitié par rapport aux réquisitions pour l’autre

Tribunal Correctionnel d’Angoulême, Mardi 4 avril 2017

J’intervenais dans ce dossier pour deux hommes jugés notamment pour trafic de stupéfiants.

Le premier, Monsieur B., connu pour ses déboires avec la justice en matière de stupéfiants, comparaissait pour des faits d’acquisition, de transport, d’importation et de détention de résine de cannabis et d’association de malfaiteurs.

Le second, son cousin, Monsieur L., se voyait quant à lui reproché le délit d’association malfaiteur pour avoir assuré la logistique et la préparation de l’importation.

Un soir de février 2015, les enquêteurs de la BTA d’Angoulême procédaient à l’interpellation musclée, dans un hangar désaffecté, de Monsieur B., Monsieur T. ainsi qu’un conducteur de poids lourd espagnol qui venait de livrer une marchandise singulière.

Au moment de l’interpellation, Monsieur B. était trouvé à l’extérieur du hangar, tandis que les deux autres comparses déchargeaient d’une camionnette plusieurs kilogrammes de résine de cannabis.

Au total, le véhicule ayant servi au transport contenait plus de 400 kg de cette substance illicite.

Rapidement, Monsieur B., récemment sorti de prison après avoir purgé une peine de 7 ans d’emprisonnement pour des faits similaires, était érigé en tête de réseau, les autorités de poursuite s’obstinant à lui faire porter le chapeau bien trop grand pour lui de haut trafiquant de drogue.

La défense a eu à se pencher sur la prévention, révélatrice d’un flou judiciaire qu’il a fallu mettre en évidence, de même que les nombreuses incohérences dans la poursuite de l’information judiciaire.

On reprochait en premier lieu à Monsieur B. des faits d’association de malfaiteurs et d’acquisition, de détention et de transport de stupéfiants en janvier 2014 alors même qu’il se trouvait, à cette date, en détention et n’en est sorti qu’en juillet 2014.

On le suspectait d’avoir, à sa sortie de prison, réactivé un réseau franco-algérien de trafic de drogue.

Néanmoins, la conduite de l’enquête dénote avec ces accusations dans la mesure où si l’on devait considérer que Monsieur B. était en train de reconstituer un réseau en ayant réactivé ses contacts au Maroc, en Algérie, pour venir inonder et corrompre la jeunesse d’Angoulême, il eut été plus judicieux de reporter l’interpellation et de suivre les protagonistes afin de remonter un éventuel réseau.

En l’espèce, les enquêteurs se sont hâtés d’intervenir comme ils l’auraient fait pour de simples exécutants.

Cela posait d’autant plus de difficultés que s’agissant de l’acquisition et du transport de cannabis, ce dernier avait été interpellé avant la prise de possession, à laquelle il n’a pas participé dans la mesure où il se trouvait à l’extérieur du hangar où a eu lieu l’opération. L’enquête n’avait d’ailleurs pas permis d’identifier, sur la marchandise, les empreintes digitales du prévenu.

Enfin, Monsieur B. était poursuivi pour l’acquisition d’une quantité de drogue très importante, de plus de 400 kg, sur la base d’une interpellation intervenue sans attendre la fin de l’opération de déchargement. Il n’était donc pas établi que la marchandise totale contenue dans le camion était bien destinée à être livrée à un unique acquéreur. Il pouvait en effet s’agir au contraire d’un simple point d’étape pour ce chauffeur espagnol ce qui aurait des personnes interpellées de simples réceptionnaires parmi d’autres.

Par ailleurs, Monsieur B. était jugé pour des faits d’importation de stupéfiants, et ce sans jamais avoir franchi la frontière en possession de tels produits.

Les réquisitions de Madame le Procureur de la République étaient assez brèves, mais non moins sévères.

Elle devait notamment requérir une peine de 15 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Monsieur B et 30 mois de sursis et 50 000 € d’amende douanière contre son cousin Monsieur L, justifiant ce quantum par l’attitude des trafiquants de drogue qui, de nos jours, n’ont plus peur de la justice et préfèrent observer le silence plutôt que de se justifier.

Est alors venu le temps de prendre la parole pour la défense aux côtés de mon excellent confrère Lee TAKHEDMIT, pour cet homme de 53 ans sur le point d’être privé de liberté pour bien des années encore….

Face aux réquisitions du Ministère Public, j’ai eu le sentiment que nous nous étions trompés de juridiction et qu’il nous revenait à nous, avocats de la défense, de venir plaider devant une juridiction d’exception, la Cour d’assises spéciale devant laquelle j’ai eu l’occasion de plaider et qui a parfois à juger d’affaires de trafics de stupéfiants lorsque la circonstance aggravante de bande organisée a été retenue et qu’il s’agit effectivement de réseaux criminels.

Néanmoins, même devant ces juridictions d’exceptions, des peines si lourdes sont rarement prononcées à l’encontre d’un prévenu ou d’un accusé pour de tels faits et dans un contexte sans violence, comme celui de ce dossier.

La hauteur de ces réquisitions, qui constituaient une peine d’élimination, de « guillotine judiciaire », me faisaient penser à la formule de Robespierre : « Gardez-vous bien de confondre l’efficacité des peines avec l’excès de sévérité ; l’une est à l’exacte opposée de l’autre ».

La peine proposée par le Parquet, sans commune mesure avec la notion de cohérence et d’efficacité de la justice, si elle était prononcée, porterait à 22 années la durée totale de détention subie par Monsieur B, entrecoupée de quelques mois seulement de liberté.

Il a ainsi fallu faire entrer dans le débat la notion de sévérité de la peine, de sa nécessité et de sa mesure tel que l’impose le principe de la personnalisation des peines posé par le législateur et que toute juridiction, tout magistrat appelé à statuer sur un tel dossier, doit garder à l’esprit.

Shakespeare a écrit que « le pouvoir temporel est plus proche de celui de Dieu lorsque la clémence vient adoucir la justice ». Ce n’est pas la clémence que je réclamais, mais bel et bien une peine juste, cohérente, un discernement juridique et humain qui permet à une bonne décision de justice d’être rendue.

Ce dossier, qui n’était empreint ni de violence, ni de haine, sans usage d’armes ou d’investissement financier conséquent, ne devait pas permettre de faire entrer la notion de peur dans le cadre du délibéré.

D’ailleurs, jamais cette peur ne doit s’immiscer dans l’esprit d’un juge qui doit prononcer une peine. Paul Lombard, avocat de la défense dans l’affaire Ranucci face au déchainement populaire et à la foule qui hurlait sa soif de mort disait d’ailleurs que « le souci de vengeance et la colère doivent rester aux portes de l’enceinte judiciaire ».

L’affaire des « Trafiquants d’Angoulême » pouvait finalement être comparé à un dossier de délinquance astucieuse, sans préparatifs strucutrés, ni réseau, ni ramification.

S’agissant de Monsieur L., les charges retenues à son encontre n’étaient basées sur aucun fait objectif, mais résultaient bien au contraire de l’idée que toutes les personnes qui côtoyaient Monsieur B., considéré à tort comme un trafiquant d’élite, étaient associés à ses trafics, tout le dossier étant dès lors interprété à l’aune de cette vision.

Monsieur L. a pourtant subi plus d’un mois de détention provisoire, sur la base d’écoutes téléphoniques dont la force probante, toute relative, a été contestée lors des débats, de même que des transferts d’argent pourtant justifiés par des relations familiales normales.

J’ai donc sollicité devant le Tribunal Correctionnel, la relaxe de mon client pour les faits objets de la prévention.

A l’issue de plus d’une heure de délibéré, le verdict est tombé : Monsieur B. a écopé de 9 ans d’emprisonnement, soit 6 ans de mois que les réquisitions du Parquet, et Monsieur L. a été relaxé.

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