Le 6 juillet 2008, une voiture immatriculée en Grande-Bretagne était interceptée peu après le péage de Biriatou dans le sens Espagne-France. Ses occupants, un indien et une roumaine, n’avaient rien à déclarer. Mais une fouille du véhicule avait permis de saisir 1 222 450 euros – il avait fallu plus de deux heures aux douaniers pour tout recompter ! – dissimulés dans des housses de coussins pour meubles de jardin, achetés et recousus pour l’occasion. 2 000 dollars et 660 livres écossaises se trouvaient également dans la voiture.
La procédure douanière s’est soldée par une transaction. Le dossier a pris une tournure pénale quand la juridiction interrégionale spécialisée de Bordeaux s’est intéressée à l’origine des fonds, pour partie contaminés par de la cocaïne. Mauvaise foi manifeste en mai dernier, les deux passeurs ont été condamnés par défaut à six et quatre ans ferme pour blanchiment d’argent provenant d’un trafic de drogue et participation à une association de malfaiteurs.
Interpellée sur mandat d’arrêt tandis que son comparse court toujours, la passagère a fait opposition et était rejugée mercredi. Fidèlement traduite par une interprète, la quadragénaire joue les naïves, n’a rien vu, ne se souvient pas, ne sait pas, conteste. Mise face à ses contradictions, elle s’entête. Aux questions précises de la présidente Piot, elle fait des réponses alambiquées. « j’étais là comme partenaire d’affaires. Nous étions allés à Madrid rencontrer des représentants immobiliers, visiter des terrains et bâtiments. » pourtant, selon un examen détaillé des relevés bancaires qui datent leurs passages aux péages, il s’agissait d’un voyage express.
Un aller-retour entre Londres et Madrid. En voiture. La présidente voudrait comprendre « l’intérêt de faire prendre l’air à des billets de banque ». Le tribunal dispose également d’une carte de fidélité d’un groupe hôtelier qui permet de suivre le couple à la trace et de voir que ses déplacements étaient nombreux et courts.
Un morceau de papier sur lequel est écrit « 200 000 × 1 000 kilos » intrigue. « un exercice pour un examen de comptabilité », assure la prévenue. « avec beaucoup de zéros car c’est dans l’ancienne monnaie roumaine. » et la facture des housses ? « Peut-être un souvenir pour sa famille ? » « Il irait donc exprès en Espagne, dans une grande surface de banlieue, acheter des coussins pour ses proches à Dubaï », résume la présidente, ironique. Cette mauvaise foi manifeste pousse le vice-procureur Christian Vennetier à requérir cinq années d’emprisonnement.
Pour l’accusation, ce voyage express vers Madrid n’avait d’autre but que de récupérer de l’argent sale. Me Julien Plouton demande l’annulation de la procédure. Parce que sa cliente n’a pas eu d’interprète au début de la rétention douanière. Il n’a de cesse de critiquer la pertinence de l’enquête, assure que le blanchiment pas plus que l’existence d’un trafic ne sont démontrés. Le tribunal rendra sa décision en janvier.
Sud-Ouest: Blanchiment d’argent: plus d’un million d’euros passé en douce
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