Blessures involontaires, responsabilité pénale des personnes morales


Le cabinet Julien Plouton met à votre disposition un avocat spécialisé en défense pénale pour défendre vos droits.

Cass.Crim 11 avril 2012, n° 10-86.974

 
Une cour d’appel ne peut condamner une société pour blessures involontaires au seul motif que celle-ci aurait créé la situation ayant permis la réalisation du dommage ou n’aurait pas pris les mesures permettant de l’éviter, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la société et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société.
 
La responsabilité pénale d’une personne morale ne peut être engagée qu’autant qu’une infraction a été commise pour son compte par ses organes ou représentants. C’est ce que prévoit l’article 121-2 du code pénal, ainsi que la jurisprudence rendue au visa de ses dispositions : « il résulte de l’article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants, sans qu’il soit nécessaire, cependant, que l’organe ou le représentant ait été personnellement déclaré coupable des faits reprochés à la personne morale » (Crim. 2 déc. 1997, Bull. Crim. n° 408).
 
La même solution a été rappelée à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) : « l’article 121-2 du code pénal instituant la responsabilité pénale des personnes morales prévoit de façon précise que cette responsabilité ne peut être engagée que du seul fait d’infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants » (Crim., QPC, 27 avr. 2011, AJ pénal 2011. 589). Ainsi, les juges doivent, avant de retenir la responsabilité pénale d’une personne morale, précisément identifier l’organe ou le représentant ayant commis l’infraction.
 
Cependant, la méthode n’est pas toujours respectée par les juges du fond, ce dont témoigne l’arrêt rendu par la chambre criminelle le 11 avril 2012. En l’espèce, une cour d’appel déclare une société coupable de blessures involontaires et d’infraction à la sécurité des travailleurs, à la suite de l’accident du travail subi par un salarié sur un chantier. Elle retient qu’à défaut d’avoir dispensé une formation pratique et appropriée, la personne morale a créé la situation ayant permis la réalisation du dommage ou n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter ».
 
Mais la cour de cassation censure ce raisonnement : « en se prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention d’un des organes ou représentants de la société, et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société, au sens de l’article 121-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».
 
La solution retenue par la chambre criminelle impose ainsi aux juges du fond de rechercher si l’infraction a bien été commise par un organe ou représentant de la personne morale et pour le compte de cette dernière. Une telle solution est d’autant plus remarquable qu’un courant jurisprudentiel inverse admet au contraire qu’une personne morale puisse être déclarée coupable d’une infraction non intentionnelle sans que les juges ne précisent l’identité de l’auteur des manquements constitutifs du délit, « dès lors que l’infraction n’a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou représentants » (Crim. 20 juin 2006, Bull. Crim. n° 188).
 
Certains auteurs estiment que ces deux interprétations ne sont pas diamétralement opposées et peuvent coexister à condition que les juges du fond ne puisse faire l’économie de l’identification des dirigeants ou représentants de la personne morale que si les faits se prêtent à l’assurance de leur participation à l’infraction. La solution retenue par la chambre criminelle dans l’arrêt étudié laisse place à une telle interprétation.
< Retour