Mai 68 à la Barre du tribunal correctionnel de Montpellier

Tribunal correctionnel de Montpelier, 15 Janvier 2021

Trois hommes à la cinquantaine passée comparaissaient devant le Tribunal Correctionnel de Montpelier en ce vendredi 15 janvier 2021.

Il leur était notamment reproché des faits de trafics de stupéfiants et de blanchiment.

Le pain quotidien des juridictions correctionnelles.

Cette affaire était néanmoins originale et savoureuse, compte tenu de la personnalité des prévenus et du contexte des faits.

En novembre 2015, la brigade de gendarmerie de Clermont-l’Hairault devait intervenir en urgence au domicile de notre client.

Principal prévenu de ce dossier, il résidait sur la très paisible commune de Saint-Pargoire (34).

Ce dernier venait en effet d’être victime d’une tentative de vol avec arme commise par plusieurs individus cagoulés.

Sur place, les enquêteurs constataient la présence dans le jardin d’une importante culture de cannabis?

Soit plusieurs centaines de plants, ainsi que des chalets destinés à la cannabiculture.

Ils constataient par ailleurs la présence de 93 kg d’herbe de cannabis en cours de séchage à l’intérieur du domicile, ainsi que de 1261 pieds à des stades divers de croissance.

Une somme en numéraire de plus de 10 000 € était également trouvée à l’intérieur du domicile, ainsi que du matériel de broyage, de pesage et de conditionnement.

Une véritable ferme du cannabis.

Placé en garde-à-vue, notre client reconnaissait produire de l’herbe de cannabis depuis plusieurs années.

Il aurait commencé en plantant quelques pieds au bord d’une rivière pour produire par la suite en plus grande quantité via l’aménagement de son jardin.

Motivé initialement par le souci de fournir sa consommation personnelle, il finissait par partager sa production avec deux amis partageant les mêmes valeurs et unis par un amour commun de la musique.

Devant des enquêteurs éberlués, il expliquait qu’il considérait la production retrouvée chez lui comme le « fruit d’un jardin fait avec amour » qu’il partageait avec ses amis afin de leur faire plaisir et de leur permettre de consommer de bons produits.

Il évoquait alors sa passion pour les plantes et le cannabis dont il aurait découvert les vertus thérapeutiques au travers de différentes recherches.

Il se disait persuadé que cette plante pouvait avoir un effet bénéfique contre le cancer, lui-même en ingérant régulièrement sous forme de quatre quarts bretons depuis plusieurs années a titre préventif.

Il avait finalement décidé d’en faire bénéficier ces deux amis proches qui lui rendaient régulièrement visite dans « un esprit de partage », indiquant que sa démarche était identique à celle qui consistait à « ouvrir une bonne bouteille lorsque l’on reçoit ses amis à dîner ».

Il reconnaissait néanmoins avoir été dépassé par cette production. Qu’il n’avait jamais imaginé devenir aussi florissante. Puis avoir finalement accepté de revendre une partie de sa production dans le monde de la musique.

L’un de ses amis était en effet professeur de musique.

Il fréquentait sur une petite commune avoisinante plusieurs musiciens professionnels de jazz.

S’agissant des sommes d’argent retrouvées à son domicile, notre client expliquait que ces dernières provenaient de son activité officielle de vente de beignets sur les marchés.

Entendu par les enquêteurs, ses deux amis confirmaient ses explications.

Ils indiquaient d’ailleurs que sa production était d’un rapport qualité prix imbattable.

Son deuxième ami, informaticien, expliquait quant à lui consommer depuis des années afin de traiter un glaucome douloureux à l’œil. Et que seule la consommation de cette plante permettait de contenir.

Notre client expliquait également que ses agresseurs avaient réussi à emporter dans leur fuite plusieurs pieds de cannabis.

Dans le cadre de cette agression, plusieurs coups de feu avaient été échangés.

Il expliquait surtout que cette agression était en réalité la deuxième.

Puisqu’il avait été victime d’une agression similaire mais encore plus violente quelques jours auparavant.

À cette occasion, les individus qui s’étaient fait passer pour des policiers lui avaient porté plusieurs coups de crosse au visage après l’avoir gazé puis ligoté.

Il avait alors réussi à défaire ses liens, à s’emparer de son pistolet Gomme Cogne dont il avait fait usage, ce qui avait entrainé la fuite des agresseurs.

Néanmoins, ces derniers manifestement peu impressionnés par cette légitime défense, avaient décidé de revenir quelques jours plus tard.

L’enquête permettra de retrouver la trace et l’identité des agresseurs qui étaient constitués d’un petit noyau d’amis regroupé autour du fils d’un des voisins de notre client. Qu’il connaissait d’ailleurs depuis de nombreuses années et dont il n’imaginait pas qu’il pouvait être impliqué dans de tels faits.

C’est donc pour ces deux affaires que notre client avait rendez-vous avec la justice le 15 janvier dernier devant le Tribunal Correctionnel de Montpellier.

Ces deux affaires ont été évoquées de manière successive mais distinctement dans le cadre de cette audience sur la journée entière.

Le premier dossier concernait les faits de trafic de stupéfiants et de blanchiment pour lequel notre client était prévenu.

La deuxième affaire concernant les faits pour lesquels ce dernier avait la qualité de partie civile, c’est-à-dire l’agression dont il avait été victime.

L’enjeu était donc particulièrement important pour cet homme qui encourait une lourde de peine de prison. Et qui avait vu au stade de l’enquête l’intégralité de ses biens confisqués (maison d’habitation, véhicule, comptes bancaires pour plus de 70 000€).

Malgré les réquisitions assez lourdes prises à son encontre par le Procureur de la République, soit 2 ans de prison, ainsi que la confiscation de l’intégralité des biens saisis, le Tribunal a été manifestement sensible à la personnalité de cet homme qui a su mettre des mots sur son parcours et ses actes.

Il expliquait ainsi son comportement par ses failles liées à une enfance cabossée. Jeune homme mal grandi sous l’ombre tutélaire d’un père cultivé, professeur d’université. Mais à la personnalité écrasante. Sa mère dépressive était décédée d’un cancer alors qu’il n’avait que 18 ans.

Après un parcours d’errance qui l’avait amené à rejoindre certaines communautés en Ardèche centrées autour de l’élevage de chevaux et la consommation de cannabis, ce dernier avait décidé de se lancer dans l’activité qui lui valait sa comparution devant le Tribunal correctionnel.

Il s’agissait pour lui d’une démarche naïve, centrée sur le partage, le besoin de reconnaissance et d’amour.

Pour tenter de combler les failles narcissiques de son enfance et restaurer un ego malmené.

Il expliquait également que les faits dont il avait été victime avaient lourdement pesé sur son parcours.

Puisqu’il était toujours atteint près de 5 ans plus tard, d’un syndrome de stress post-traumatique. 

Et qu’il s’était retrouvé pendant quelques mois en très grande situation de précarité.

Il avait néanmoins réussi à surmonter ces épreuves et ne consommait plus le moindre produit stupéfiant.

Ce dernier était finalement condamné à une peine de 2 ans de prison intégralement assortie d’un sursis et le Tribunal ordonnait la restitution de sa maison, de son véhicule et la restitution de ses avoirs bancaires pour un montant de plus de 50 000€.

S’agissant des faits dont il avait été victime, le tribunal entrait en condamnation à l’encontre de l’ensemble des prévenus malgré la protestation de certains. Le principal agresseur, absent à l’audience, était lourdement sanctionné par une peine de 4 ans de prison avec mandat d’arrêt.

Notre client était indemnisé à hauteur de 9000 € au titre de son préjudice psychologique qui avait conduit un médecin légiste à retenir une ITT pénale de quatre jours.

Aujourd’hui, parfaitement réinséré, ce dernier peut enfin fermer la porte sur cette période de sa vie et regarder de nouveau vers l’avenir.

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