Confusion des peines devant la Cour d’Assises

CONFUSION DES PEINES DEVANT LA COUR D’ASSISES : De l’art de donner d’une main pour reprendre de l’autre…

Souvenirs de la Cour d’Assises des Mineurs de la Charente,

 

En ce début d’année 2017, je défendais devant la Cour d’assises des mineurs de la Charente, du 23 au 27 janvier 2017, un jeune homme accusé de vols avec arme et dégradations de biens en réunion.

Entre le 23 et le 26 décembre 2013 ce dernier commettait 3 braquages, faits pour lesquels il comparaissait détenu depuis près de 2 ans, accompagné de 3 autres co-accusés.

Avant d’être jugé par la Cour d’assises, mon client avait fait l’objet d’une condamnation à 4 années d’emprisonnement par le Tribunal Correctionnel de LIBOURNE le 4 mars 2015, pour des faits de vol avec violences en réunion commis dans la nuit du 21 au 22 décembre 2013.

Ces faits étaient distincts de ceux pour lesquels il était jugé devant la Cour d’Assises mais commis dans une période de temps extrêmement proche soit à peine quelques jours plus tôt.

C’est précisément sur cette connexité temporelle que se situait tout l’intérêt du dossier.

Les faits n’étant pas contestés, j’entendais plaider sur la personnalité de mon client, jeune homme a peine sorti de l’adolescence et dont l’instabilité trouvait sa cause principale dans une rupture familiale précoce.

Il s’agissait d’obtenir la peine la plus adapté à sa personnalité carencée qui a mon sens constituait la principale circonstance atténuante.

 

Dans cette optique, j’entendais également solliciter dans le cadre des débats, la confusion de la peine que ne manquerait pas de prononcer la Cour d’assises avec celle déjà prononcée par le Tribunal correctionnel de Libourne.

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En effet, afin d’éviter une différence de traitement arbitraire dictée par le seul choix du Parquet (poursuites unique ou plurielles), le législateur a prévu le mécanisme de la confusion des peines, outil de bonne administration de la justice et garantissant le principe constitutionnel de personnalisation des peines.

Ce mécanisme de confusion a pour effet de faire absorber une peine (la plus faible) prononcée par une juridiction par une autre peine (la plus sévère) de même nature prononcée par une autre juridiction.

S’agissant des conditions de recevabilité, l’individu poursuivi doit être dans la situation d’un concours d’infractions faisant l’objet d’une pluralité de poursuites.

Ainsi, pour les infractions concernées, l’individu ne doit ni être en état de récidive légale, ni de réitération.

 

Selon l’article 132-2 du Code pénal, « il y a concours d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction ».

Ces infractions en concours peuvent faire l’objet d’une poursuite unique ou d’une pluralité de poursuites.

En cas de poursuite unique, les faits sont jugés le même jour et devant la même juridiction. Il convient alors d’appliquer la règle prévue à l’article 132-3 du Code pénal laquelle prévoit qu’en cas de peine de même nature, il ne peut en être prononcée qu’une seule dans la limite du maximum légal le plus élevé.

Contrairement au système américain où il est fréquent de voir prononcer des peines de plusieurs centaines d’années d’emprisonnement (Bernard Madoff condamné à 150 ans de prison – Federal District Court of Manhattan, 29 juin 2009), le droit pénal français préfère la règle du cumul plafonné.

En cas de diversité de compétence juridictionnelle ou de découverte de différentes infractions dans des temps différents, les faits peuvent faire l’objet de poursuites distinctes comme en l’espèce.

Dans ce cas, l’article 132-4 du Code pénal dispose que « les peines prononcées s’exécutent cumulativement ».

Le sort de l’individu, selon qu’il est jugé dans le cadre d’une procédure unique ou dans celui de poursuites séparées, peut donc être radicalement distinct.

Le mécanisme de la confusion de peine permet de réduire ce risque d’arbitraire judiciaire.

 

Il convient toutefois de préciser que cette mesure est facultative et laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.

En tout état de cause, une demande doit être formulée en ce sens par la défense, les juges du fond ne pouvant se prononcer d’office. Cette demande peut intervenir ab initio devant la juridiction qui statue sur les faits objet de la poursuite, ou ultérieurement devant l’une des juridictions désignées par l’article 710 du Code de procédure pénale.

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Les faits pour lesquels mon client était mis en accusation étant identiques à ceux lui ayant valu sa précédente condamnation (seule la qualification différait après correctionnalisation de l’infraction jugée à LIBOURNE), étant commis par la même « équipe » de braqueurs et de surcroît dans un espace-temps extrêmement réduit, il me semblait qu’une telle demande avait de bonnes chances d’être accueille par la Cour d’Assises des Mineurs.

Pourtant, Madame l’Avocat Général, lors de son réquisitoire, demandait à la Cour et aux jurés de rejeter ma demande de confusion et sollicitait une peine de 6 années d’emprisonnement à l’encontre de mon client.

Ayant déjà été condamné à 4 années d’emprisonnement par le Tribunal Correctionnel de LIBOURNE, ce dernier se serait alors retrouvé à devoir exécuter un total de 10 années d’emprisonnement en application du principe de cumul des peines.

A l’inverse, si les réquisitions du Ministère public étaient suivies s’agissant du quantum de la peine mais que la Cour suivait la défense dans sa demande de confusion, mon client n’aurait plus qu’à exécuter une peine de 6 années d’emprisonnement (la peine de 4 ans étant absorbée).

Après plusieurs heures de délibéré, la Cour d’assises rendait une décision qui me laisse encore aujourd’hui perplexe….

Si elle faisait droit à ma demande de confusion des peines, la Cour prononçait à l’encontre de mon client une peine de 9 années, réduisant de facto le bénéfice de ladite confusion à 1 année au lieu de 4 (peine de Libourne de 4 années normalement absorbée).

Il semble que la Cour ait considéré que la demande de confusion qui lui était présentée venait étendre sa saisine, lui permettant ainsi de juger non seulement les faits visés dans l’ordonnance de mise en accusation mais également ceux déjà jugés par le Tribunal correctionnel de Libourne et ne faisant pourtant pas partie de sa saisine.

La Cour opérait d’ailleurs le même raisonnement avec l’un des co accusés de mon client dont la demande de confusion était accordée mais la peine portée à 12 années au lieu des 10 ans requis par Madame l’Avocat général.

Une telle décision, empreinte de calculs que certains pourront qualifier de subtils vient cependant totalement dénaturer l’esprit et le principe de la confusion des peines.

Le raisonnement juridique ainsi opéré par la Cour m’apparaît d’autant plus critiquable que si le but poursuivi, ce qui semble être le cas, était de réduire les effets de la confusion de peine, afin d’éviter une remise en liberté de mon client trop proche du prononcé de la condamnation, par les effets des remises de peines automatiques, il lui suffisait de n’accorder qu’une confusion partielle de peine ce qui aurait au moins eu le mérite de respecter le principe du mécanisme de la confusion.

Face à cette altération audacieuse du principe de la confusion, qui s’inscrit dans une politique pénale de plus en plus répressive, interjeter appel de cette décision me semblait une évidence afin que l’esprit de la loi soit dûment respecté.

Tel n’a finalement pas été le choix de mon client.

 

Je ne peux néanmoins m’empêcher de penser qu’en l’absence de demande de confusion, la Cour aurait eu bien du mal à justifier le quantum de la peine finalement prononcée et s’en serait certainement tenue aux réquisitions de madame l’Avocat Général.

Une fois le principe acquis de ce quantum réduit (6 ans), Il eut alors été possible de saisir ultérieurement la chambre d’instruction d’une demande en confusion de peine…..

Mais tout aussi surement que nul n’est censé ignoré la loi, nul ne peut encore lire dans l’esprit des juges….

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