Un monumental dossier de trafic de drogue est examiné depuis mardi par le tribunal correctionnel.
Des peines allant de la relaxe à neuf ans de prison viennent d’être prononcées par le Tribunal correctionnel de Bordeaux dans le cadre d’un vaste trafic de résine de cannabis, démantelé presque par hasard en 2008 à partir d’une banale perquisition.
En décembre 2008, les gendarmes d’Eysines ont levé un lièvre bien plus gros que prévu. Venus en perquisition chez un receleur Brugeais, ils ont incidemment saisi près de 34 kilos de… résine de cannabis. Enveloppée dans de la cellophane sous le lit, oubliée dans un sac plastique dans une armoire ou conditionnée en savonnettes dans un sac en toile de jute sur le balcon. Ce banal acte de procédure a en fait conduit au démantèlement de deux réseaux de trafiquants de drogue qui sont jugés depuis mardi par le tribunal correctionnel de bordeaux au terme d’un travail d’enquête et d’instruction titanesque.
Interceptions techniques qui, une fois traduites, ne laissent aucun doute sur la nature des activités ; captations vidéo et sonores ; surveillances et filatures ; sonorisations de véhicules devenus de véritables lieux de rendez-vous d’affaires : toute la panoplie des experts a été déployée. Le trafic tentaculaire qui couvrait l’agglomération bordelaise avait sa figure centrale, Kalide R, Bordelais de 38 ans, ses convoyeurs, ses quatre grossistes, ses nourrices – personnes chargées de garder et surveiller la drogue à leur domicile dans le jargon policier – et ses détaillants ou clients revendeurs.
La tête de réseau possédait ou louait des boxes pour stoker la drogue, utilisait au besoin des identités usurpées, se faisait appeler de cabines téléphoniques, changeait souvent de portables et se fournissait au Maroc. Lors de la mise en sommeil de cette filière, il est passé à un approvisionnement local auprès d’Omar S, Pessacais de 31 ans, tête du second réseau mis à mal. C’est à l’occasion d’une transaction de 300 kilos répartis en valises marocaines que Kalide R avait été arrêté en septembre 2010. La justice le soupçonne d’avoir écoulé 350 kilos en 2009 et 710 entre juillet et septembre 2010.
« Ce dossier, dense, a dépassé certaines espérances », se félicite le vice-procureur Géraldine Bouzard. Elle décrit « un mode opératoire extrêmement professionnel », « des précautions qui virent à la paranoïa » pour éviter d’être repéré.
Mal à l’aise, quelques-uns des vingt prévenus remuent sur leur banc. Collés serrés. Certains sont toujours incarcérés. Larges épaules enveloppées de t-shirts moulants et chemises à la mode, ils gardent tête baissée.
Au terme de plus de deux heures et demie d’un réquisitoire à la logique implacable, le vice-procureur requiert des peines allant de six mois de prison avec sursis à dix ans de prison ferme. Elle n’avoue qu’un regret : que le fournisseur Marocain de Kalide R ait échappé au coup de filet.
Les avocats de la défense se déchaînent alors. Contre les enquêteurs, contre l’instruction, contre l’absence de preuve formelle. Balayant au besoin d’un revers de manche aveux, photographies et autres témoignages. Certains comme Me Luc Brasier, plaident la relaxe, estimant leur client « en dehors des faits reprochés ». Ou comme Me Stéphane Guitard qui déplore que « le parquet tente d’établir une culpabilité sur des fantasmes, des suppositions et des approximations ».
Me Sylvie Reulet, qui défend Omar s conteste l’appellation de trafic professionnel. Me Edouard Martial refuse de composer avec « les silences de l’enquête ». La voix de son client, qui « face au chantage » a passé des aveux puis s’est rétracté « s’est perdue dans la lenteur de cette procédure et face à l’indifférence de ceux qui ne veulent pas entendre ». Certains prévenus sont récidivistes.
La magistrate a donc requis l’application de la peine plancher. « vous serez peut-être démodée dans quelques mois », espère, volontairement insolent, Me Benoît Ducos-Ader. Car certains n’ont pas nié l’évidence de leur participation aux faits.
À l’image de Me Sandrine Joinau-Dumail ou Me Julien Plouton, les avocats demandent alors la clémence du tribunal pour éviter une réincarcération, tant « les hommes interpellés en 2010 et ceux d’aujourd’hui sont différents ». « Quelques heures de garde à vue, deux heures devant la juge et dix ans requis », s’insurge Me Elinam Tsé, avocat de Kalid R.
Sud-Ouest: Dealers : jusqu’à dix ans requis à bordeaux
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