La justice a décidé de relancer l’enquête relative à une étude sur l’érosion au niveau de la Pointe du Cap Ferret.
La juge d’instruction Françoise G. vient de se faire taper sur les doigts par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bordeaux. Celle-ci lui ordonne de poursuivre l’information judiciaire ouverte depuis plusieurs années pour faux et usage. La magistrate envisageait de la clore après avoir rejeté les demandes d’actes formulées par Benoît Bartherotte, le « gardien » de la pointe du Cap Ferret dont la plainte est à l’origine de la procédure.
L’origine de l’affaire remonte à 1996. Cette année-là, dans le cadre des travaux préparatoires au schéma de mise en valeur de la mer (SMVM), Michel Sammarcelli, le maire de Lège-Cap Ferret, sollicite par l’intermédiaire du Port autonome de Bordeaux l’expertise de la Sogreah, un bureau d’études spécialisé dans le domaine de l’eau et de l’environnement.
Le rapport que rendent quelques mois plus tard Alain F. et Jacques V., les deux ingénieurs missionnés, est intitulé : « Diagnostic de l’évolution du littoral sur la face orientale de la flèche du Cap Ferret, examen de faisabilité de solutions de protection envisageables. » Les deux rédacteurs affirment que, sans la digue édifiée par Benoît Bartherotte, le trait de cote aurait reculé de 50 à 80 mètres.
Quatre ans plus tard, au moment ou s’ouvre l’enquête publique relative au plan de prévention des risques littoraux (PPRL) du Cap, une note de présentation de la Sogreah figure au dossier. Mais quelle n’est pas la surprise de Benoît Bartherotte lorsqu’il découvre qu’elle fait référence à une soi-disant étude de décembre 1997 où il était indiqué que ses digues étaient « totalement inopérantes ».
La justice a décidé de relancer l’enquête relative à une étude sur l’érosion au niveau de la Pointe du Cap Ferret
À quelques mois d’intervalle, la Sogreah aurait donc affirmé tout et son contraire. La note sera ensuite revue au terme d’une réunion à laquelle participait le préfet Christian F., futur directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Élysée. Mais pour Benoît Bartherotte le mal est fait.
La parcelle où est édifiée la villa Balguerie qu’il a relevée de ses ruines après un effondrement, est désormais en zone rouge. Ce qui lui vaudra d’être condamné au pénal à 50 000 € d’amende pour construction sans permis.
L’enquête a permis d’identifier l’auteur de la seconde note litigieuse : Marc G., l’ancien directeur de l’agence Sogreah de Mérignac, placé sous le statut de témoin assisté. Benoît Bartherotte demandait assez légitimement d’être confronté avec lui. Ce que refusait la juge François G., estimant que chacun avait pu être entendu et débattre par procès-verbal interposé. Elle devra l’organiser !
« Une confrontation paraît utile, indique la chambre de le l’instruction, afin que chacune des parties puisse exposer son point de vue et afin de déterminer s’il y a bien un faux…, c’est-à-dire une altération frauduleuse de la vérité. » Ce dont se défend Marc G. Ce dernier soutient qu’il a rédigé sa note en toute indépendance en s’inspirant d’une méthodologie préconisée par l’État. Celle-ci stipule que lorsqu’un ouvrage de protection longitudinale à la cote est insuffisamment fondé ou non établi selon les règles de l’art, il n’en est pas tenu compte lors l’évolution du trait de côte. Mais comme le relève la chambre de l’instruction, Marc G. n’a procédé à aucune constatation technique pour vérifier « si ladite digue était ou non suffisamment fondée et si elle avait ou non été construite selon les règles de l’art. »
À ce comportement singulier s’ajoute la curieuse modification d’un paragraphe contenu dans le rapport sur le Schéma de mise en valeur de la mer (SMVM). Alors qu’initialement le document évoquait l’utilité de la digue Bartherotte, Frédéric M., auteur du rapport, et directeur à l’époque du Service maritime et de navigation de la Gironde, a finalement éliminé cette référence.
Benoît Bartherotte l’accuse tout comme Marc G. d’avoir agi sous l’influence de son vieil ennemi, Michel Sammarcelli. Ce que les trois intéressés démentent vivement. Frédéric M. aura sans doute l’occasion de le répéter puisque la chambre de l’instruction ordonne aussi son audition, « afin de déterminer dans quelles conditions et pour quelles raisons ce paragraphe a été modifié et si cette modification a eu une incidence sur l’établissement du plan de prévention des risques. Le cas échéant, il y aura lieu de faire toutes investigations pour vérifier les déclarations de M. M. », précise la juridiction. La juge Françoise G. a du pain sur la planche !
Sud-ouest 17/01/2014: érosion au cap ferret : Bartherotte ne lâche rien
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