Homicide involontaire et responsabilité médicale

Enzo, 7 ans, est décédé après une chute de moto lors d’un entraînement. Ses parents se posent des questions sur la prise en charge de leur fils.

Il ne se passe pas un week-end sans qu’un hommage lui soit rendu, sans que ses parents reçoivent un témoignage d’affection et de compassion, de la part du monde des sports mécaniques, comme de proches ou d’anonymes. Il y a un peu plus d’un mois, le 20 septembre, Enzo C., 7 ans, est mort des suites d’une chute de moto survenue lors d’un entraînement à Saint-Cybranet, en Dordogne.

Il ne fait aucun doute dans l’esprit de ses parents, Jérôme et Élodie, qu’il s’agit bien d’un accident. Un problème mécanique, le moteur qui s’emballe, Enzo qui ne parvient pas à maîtriser sa moto de 80 cm3, l’engin qui finit sa course contre un arbre, éjectant le petit motard… Mais le couple se pose beaucoup de questions sur la prise en charge médicale d’Enzo à la suite de l’accident.

Pour obtenir des réponses, Jérôme C. vient de déposer une plainte pour homicide involontaire à la gendarmerie de Belvès. Une plainte contre X qui vise avant tout les équipes médicales qui sont intervenues au chevet d’Enzo. « Nous estimons qu’il y a eu des erreurs lors de la prise en charge de notre fils, souffle-t-il. Nous ne voulons pas que cela se reproduise pour d’autres parents. »

Les images en boucle

Jérôme était présent ce jour-là. « J’ai tout vu, tout entendu », confie-t-il, miné par cette évocation, las de devoir se justifier sur la passion familiale pour la moto. Les images tournent en boucle dans sa tête. Enzo, bel et bien conscient. Sous le casque, il n’a qu’une bosse au front. Le père se souvient que son fils parlait et pleurait. « Je n’imaginais pas qu’il allait bientôt mourir », témoigne-t-il, inconsolable et digne.

Le reste de cette interminable journée d’angoisse est à jamais gravé dans sa mémoire. Le trajet en véhicule de secours jusqu’à l’hôpital de Sarlat, son fils qui le réclame et lui dit qu’il se sent mourir, les examens aux urgences de Sarlat, le sang vomi, le personnel médical rassurant puis « en panique », le transfert, enfin, en hélicoptère jusqu’à Bordeaux.

Mais le cœur d’Enzo n’a pas tenu. L’enfant est décédé avant d’arriver à Pellegrin. « Les parents d’Enzo ne cherchent pas un coupable à tout prix mais des réponses à des questions qui les tourmentent », explique leur avocat bordelais, Me Julien Plouton. « Les conditions de la prise en charge d’Enzo par le Smur et son évacuation à Sarlat, et non directement à Bordeaux, posent question » poursuit-il.

Un problème d’orientation du jeune patient tout d’abord, vers l’hôpital de Sarlat, qui ne lui semble pas le mieux indiqué. « Même le médecin du Smur a déclaré que l’hôpital de Sarlat n’était pas apte à recevoir un cas comme celui-là », se souvient Jérôme C.

« Tous les jours, on voit des reportages à la télévision où, pour parfois presque rien, on ne prend pas de risque, on fait venir l’hélicoptère, ça fait gagner du temps. C’est précieux, le temps, dans ces cas-là. »

« Pourquoi avoir attendu ? »

Transformation du service de chirurgie conventionnelle en chirurgie ambulatoire il y a un an, désertification médicale du secteur, inspection de l’Agence régionale de santé pour « événement indésirable grave », à la suite du décès d’un bébé à la maternité en juin : l’hôpital de Sarlat est déjà en souffrance. Ses urgences étaient-elles équipées ce jour-là pour faire le bon diagnostic ?

« Le cheminement de ce petit patient vers l’hôpital de Sarlat n’est pas anormal », soutient Thierry L., le directeur du centre hospitalier de Périgueux et de celui de Sarlat. Il comprend parfaitement le « besoin de réponses de la famille », mais rappelle que l’établissement sarladais dispose d’urgences et d’un plateau d’imagerie médicale « tout à fait à même de poser un diagnostic avant un éventuel transfert dans un service de recours ».

Me Julien Plouton souligne ensuite un problème de délai, puisque l’accident a eu lieu vers 11 h 50 et que l’hélicoptère n’aurait décollé pour Bordeaux que vers 16 heures. « Pourquoi avoir attendu si longtemps ? » s’insurge encore le père d’Enzo, qui a obtenu à grand-peine quelques feuilles éparses du dossier médical.

Le directeur admet également ne pas « avoir la capacité médicale de répondre aux questions des parents ». Il est intéressé à « connaître les conclusions des investigations », diligentées à la suite de la plainte. Une enquête préliminaire est désormais en cours. Des auditions sont prévues dans les jours à venir.

 


Sud-ouest 28/10/2014: mort du petit Enzo en Dordogne, les parents portent plainte contre X

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