Le cauchemar toujours là

Hier, employés et clientes de la bijouterie Prévôt, présents lors du braquage commis en 2012, ont témoigné devant la cour d’assises. Un récit empreint d’émotion.

L’effroi. Une angoisse terrible avec l’impression que la dernière heure est venue. Les employés de la bijouterie Prévôt, braquée le 12 mars 2012, sont encore sous le choc aujourd’hui. « Je fais des cauchemars et suis toujours sur le qui-vive », confie Hélène, une vendeuse, appelée à la barre des témoins lors de la deuxième journée du procès de Salah B., Azzedine B., Redouane El K. et Nabil S., les malfaiteurs comparaissant devant la cour d’assises de la Gironde (lire nos précédentes éditions). Cela fait 23 ans qu’elle travaille dans la même maison et c’était la deuxième fois qu’une pareille mésaventure lui arrivait. « Maintenant, j’ai peur de me rendre dans des magasins, je regarde toujours derrière moi quand je rentre à mon domicile. »

Le jour des faits, c’est elle qui a déclenché l’ouverture de la porte extérieure du sas, puis la seconde. Elle n’avait rien vu de suspect alors qu’elle était occupée à servir une cliente. Une fois à l’intérieur, les malfaiteurs ont exhibé une arme et contraint les deux femmes, ainsi qu’une autre employée, à se coucher. « J’ai fermé les yeux pendant toute la scène », soupire Hélène, qui a été attachée avec des liens en plastique de type Serflex. « J’étais impuissante, mes liens étaient très serrés, ils me faisaient mal alors l’un des agresseurs les a un peu détendus. » Chantal, la cliente, partie civile au procès, était venue se renseigner chez Prévôt afin d’acheter une médaille pour sa fille, qui allait être marraine d’un petit garçon. Elle était sur le départ quand les braqueurs ont fait irruption. « Ils m’ont fait allonger par terre et m’ont mis une arme sur la joue », témoigne la sexagénaire. « Puis j’ai été attachée, les mains derrière le dos. J’étais tétanisée et je me suis dit que c’était mon tour. J’ai pensé à la mort. Aujourd’hui, je suis toujours très inquiète, fragilisée. Je vis angoissée. »

Une enfant de 8 ans et demi

Marie-Hélène, une employée, travaillait dans un bureau à l’arrière de la bijouterie. Elle se souvient qu’« ils cherchaient de l’or dans le coffre mais j’ai paniqué car il n’y avait pas d’or ». Le temps lui a paru une éternité.

Elle était avec Fabienne, une de ses collègues, qui avait emmené sa fille de 8 ans et demi car elle était malade et devait aller chez le médecin. « Je l’avais installée avec sa console de jeux, se souvient Fabienne. J’ai entendu un brouhaha, j’ai alors attrapé ma fille sans réfléchir pour filer vers l’atelier, où il y avait mes collègues hommes. J’ai senti quelque chose dans mon dos. Un des malfaiteurs m’a plaquée au sol et m’a dit : ‘‘Tu te couches sinon t’en prends une ». » Fabienne, d’une voix sanglotante, dit avoir eu peur qu’on lui prenne sa fille. « C’est désastreux, des souvenirs lui remontent et cela a des conséquences sur sa scolarité. » Azzedine B., le braqueur qui l’a maintenue au sol, s’est voulu rassurant. « Je ne te ferai pas de mal, j’ai une petite sœur du même âge », a-t-il lancé à la fillette.

« Je vous présente mes excuses madame », lâche-t-il depuis le box des accusés. Loïc, l’horloger, était dans l’atelier avec le joaillier, Olivier. « C’est douloureux de revivre toute cette histoire. J’entendais un hélicoptère et me demandais comment ça allait finir. » Marie, l’aide-comptable, était dans son bureau, au sous-sol et s’est retrouvée nez à nez avec les braqueurs, qui ont pris la fuite dans les étages lorsque la police est arrivée. Ils sont passés par la fenêtre du cabinet d’un avocat avant de grimper sur les toits de l’immeuble dominant le cours de l’Intendance et d’être interpellés. « On s’est senti piégé comme des rats. On a essayé de se sauver en prenant des risques insensés », explique Azzedine B.

L’audience reprend ce matin par les dépositions des experts psychiatres et psychologues.

 


Sud-ouest 18/06/2014 – Le cauchemar toujours là

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