Les gendarmes avaient placé son téléphone sur écoute, le soupçonnant d’être mêlé à une affaire de cambriolage. Il n’en était rien. Mais c’est ainsi qu’ils ont mis à jour finalement un trafic local de stupéfiants, entre janvier 2009 et mars 2011.
De planques en filatures, les enquêteurs tirent le fil de cette pelote et identifient au total une quarantaine de personnes, plus ou moins liées les unes aux autres. Mais seulement neuf prévenus, consommateurs ou non, placés sous contrôle judiciaire, étaient à la barre du tribunal correctionnel, hier. Accusés de détention, acquisition, vente, de cannabis et pour trois d’entre eux, de transport et importation.
Difficile d’estimer à combien de kilos se monte exactement le trafic. Entre 10 et 20 kg peut-être. Le président du tribunal Pierre Pétriat note que « les quantités s’évaporent avec le temps, selon les témoignages, comme l’eau au soleil. »
Reste les faits : un voyage à Paris mi-février 2011 avec au retour 80 plaquettes de cannabis, et surtout un autre au Maroc, quelques jours après. « c’était pour mes vacances, pour vendre des téléphones », affirme Youssef Taleb (quatre ans avec mandat de dépôt) qui est du périple avec Hicham Lachehab (5 ans ferme avec mandat de dépôt). « On vous croit, on vous croit… », ironise le président.
Hicham Lachehab, le plus âgé, 37 ans, condamné à plusieurs reprises, est absent à cette audience. Tous les deux écopent des plus lourdes peines. Durant l’enquête, les écoutes téléphoniques font état de transactions.
Les gendarmes remontent la filière. Du cannabis est même vendu à la sortie d’un lycée à Jonzac (Charente-Maritime) par l’un des protagonistes, mineur à l’époque. Au cours de leurs perquisitions, ils trouvent des plants cultivés « indoor », des sommes d’argent importantes, suspectes à leurs yeux. « ce dossier montre une capacité de nuisance surprenante », relève Pierre Pétriat qui parle de « petit commerce de proximité ».
Pour le Ministère Public « le cannabis n’est pas une drogue au rabais ». L’examen de la résine révèle dans certains des taux de tétrahydrocannabinol (thc) atteignant parfois 15 %. « une bombe toxique », s’exclame le président.
Sur ces « faits objectifs », Sandrine Ballanger substitut du procureur réclame des peines de 5 ans à 10 mois de prison ferme. « surréaliste », aux yeux de Me Julien Plouton pour qui son client (3 ans avec sursis au lieu des 4 ans ferme réclamés) n’est qu’un homme de main, simple pilote de la Laguna qui transportait 3,9 kg de cannabis depuis le Maroc.
L’avocat bordelais dénonce au passage la politique pénale d’une extrême rigueur du tribunal correctionnel de Libourne.
« Ce dossier est petit : il ne s’agit pas des gros poissons que décrit madame le procureur. Mais de petits trafiquants, avec de petits moyens et une petite existence », plaide Me Landète, défenseur d’un quatrième prévenu, qui a décidé de faire appel de la décision (trois ans ferme). « Aucun d’entre eux ne s’est enrichi. Les faits méritent une sanction mais avec une juste analyse de la situation. »
Ses confrères évoquent le retour « dans le droit chemin » de leurs clients, comme le déclare l’un des prévenus. Tous ont changé de vie, sont mariés, ont des enfants. Certains ont un travail fixe ou sont en recherche d’emploi. Ils veulent tirer un trait, regrettent. L’un d’eux témoigne : « j’ai honte de faire subir ça à ma famille. »
Sud-Ouest 14/02/2013 – Libourne : petits trafics de cannabis, lourdes sanctions
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