Piraterie sous contrôle d’huissier

Peut-on, lorsque l’on est propriétaire, enter chez un locataire sans son accord, avec un double des clés ?

Non, dit le simple bon sens. Non, dit le droit : cela s’appelle une violation de domicile. Idem sur internet. Pourtant, le 28 juin 2013, un huissier s’est allègrement baladé sur le site d’OCGS, une petite société de téléphonie dont Iliad est l’hébergeur. Qui avait bien pu communiquer à l’huissier les codes d’accès à cet espace privé ? Tout simplement la société Iliad, par ailleurs en conflit commercial avec OCGS, qui cherchait ainsi des renseignements pour étayer son argumentaire. En bon professionnel, l’huissier détail les conditions de son intrusion.

Une scène incroyable : « en présence du directeur commercial, secteur entreprise, du groupe Iliad, je saisis l’adresse… » Le voilà sur le site internet d’Iliad. L’homme de loi poursuit son constat : «  j’entre l’identifiant et le mot de passe, il m’est déclaré qu’il s’agit des éléments de connexion de la société OCGS. Apparaît la page dont copie écran est ci-après reproduite… »

Soit une longue liste de numéros de téléphone de collectivités territoriales, cliente d’OCGS. Un peu comme si le proprio, une fois entrée chez son locataire, farfouillait dans son carnet d’adresses, ses agendas et ses livres de comptes. L’avocat d’OCGS, maître Julien Plouton, y voit « des délits d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données » tandis que m° Paul Albert Iweins, qui défend l’étude d’huissier, proteste vigoureusement : «iliad n’est pas entré chez un tiers, mais chez un client. En fait, iliad est chez lui »

En ces temps d’espionnite aiguë, imaginer que des fournisseurs d’accès à internet puissent tranquillement consulter les données personnelles de leurs clients ça fait un peu froid dans le dos. Et il ne s’agit pas de n’importe quel petit prestataire, car iliad est la maison-mère du grand free.

« Comment ont-ils pu décrypter les données et les codes secrets de ma cliente ? Peuvent-ils les décrypter comme bon leur semble ? Dans ce cas, se pose des questions de sécurité pour tous les partenaires d’iliad » accuse maître Julien Plouton qui a saisi le tribunal correctionnel de paris.

Ce n’est pas encore le procès de la NSA mais c’est un début…

 

Source : le canard enchainé, 30 octobre 2013

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