Sept ans ont été requis contre deux prisonniers roumains, accusés d’avoir éborgné un codétenu à la maison d’arrêt de Gradignan en 2010. Silviu C et Florin I, deux roumains de 26 et 24 ans, comparaissent depuis mercredi devant la cour d’assises de la gironde pour avoir pris part à une rixe survenue le 27 janvier 2010 dans une cour de promenade de la maison d’arrêt de Gradignan et au terme de laquelle un autre détenu avait perdu l’usage de son œil droit .
À cause d’un téléphone portable, parachuté dans la prison, que la victime aurait refusé – là les versions divergent – de rendre à Florin I ou de récupérer pour le faire passer à un détenu de son étage. Le procès revêt un caractère particulier tant il est rare que de tels faits de violence passent les murs d’enceinte d’une prison. Et parce que les accusés, la victime et trois témoins directs ou indirects de la scène, sont actuellement détenus et désormais dispersés dans différents établissements pénitentiaires de la région.
« Sans condamnation, pas de victime », explique Me Christophe Le Bruchec, avocat de la partie civile qui entend bien qu’on reconnaisse le statut de victime à son client. « Oui, c’est un détenu, condamné pour des faits graves mais il n’a pas mérité ce qui est arrivé. » sans faire le procès de l’administration pénitentiaire, il demande à ce que son client, surnommé Oussama, soit mieux protégé.
Phénomène de groupe au moment de prendre ses réquisitions, l’avocate générale Marie-Hélène De Lalandelle déplore que les faits n’aient pas été signalés par la maison d’arrêt. Que l’obligation qui pèse sur tout agent de l’état de dénoncer des faits de violence graves n’ait pas été respectée.
La magistrate revient ensuite sur ce phénomène de groupe qui a conduit à l’infirmité permanente de la victime. Elle concède qu’il manque peut-être des protagonistes à l’appel, mais se satisfait des deux présents dans le box. « il y a bien coaction des deux accusés. Multiplicité de coups, pluralité d’auteurs au cours d’une scène unique». Elle requiert sept ans de prison et une interdiction définitive du territoire français.
Pour Me Anne-Sophie Verdier, qui défend Florin I (lequel s’effondre en pleurs pendant sa plaidoirie), accusés et victime ne sont pas si différents, poussés loin de leur pays par la misère économique. « ils voyaient la France comme un eldorado, en fait ça a été le miroir aux alouettes ». Elle souligne que c’est « radio prison » qui a affirmé que Florin I, propriétaire du téléphone portable, avait porté des coups de pieds à Oussama. Même ce dernier ne s’en souvient pas et, hormis son coaccusé, d’autres témoins le dédouanent.
Bilan pour l’avocate : son client doit être acquitté. « le fait que l’affaire se soit passée en prison n’est pas une circonstance aggravante. Ce devrait même être une circonstance atténuante compte tenu des conditions de détention et de l’état des prisons françaises», avance Me Julien Plouton, défenseur de l’autre accusé, Silviu C, qui a donné le coup de poing fatal à l’œil. Et l’avocat de se lancer dans une description sombre mais réaliste de l’univers carcéral. Il ne conteste pas à Oussama son statut de victime mais souligne sa part de responsabilité dans la génèse de la bagarre. Il ne plaide pas la légitime défense mais le contexte et les circonstances atténuantes. « ce n’est pas le même dossier, ni la même peine, quand deux détenus agressent sauvagement un gringalet ou quand la victime est un petit caïd qui ne veut pas rendre le téléphone prêté contre du cannabis et qu’elle est à l’origine du premier coup dans la mêlée».
Après plus de 6 heures de délibéré, la cour a finalement décidé d’acquitter Florin I. Silviu C est quant à lui condamné à 3 ans de prison dont 2 assortis d’un sursis. Ayant d’ores et déjà effectué cette peine dans le cadre de sa détention provisoire, il a été remis en liberté à l’issue de l’audience. Son avocat, Maitre Julien Plouton s’est réjouit de ce que la cour ait su redonner à ce dossier « sa dimension humaine et tragique, tragique certes pour la victime mais également pour mon client qui n’a jamais souhaité infliger une telle blessure et qui peut désormais rejoindre sa femme et son fils qu’il n’a pas revu depuis prés de 3 ans».
Sud-Ouest: Rixe et mutilation sur fond de malaise carcéral
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