Application de la responsabilité du fait des produits défectueux aux biens destinés à un usage professionnel

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Cour de Cassation, 1ere chambre civile, 11/07/2018, n° 17-20.154

Régie par la Directive Européenne 85/374/CEE du Conseil du 25 juin 1985, la responsabilité du fait des produits défectueux permet la réparation d’une chose suite au défaut d’un produit qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Transposée en droit interne par la loi du 19 mai 1998, elle s’inscrit aujourd’hui aux articles 1245-1 et suivants du Code civil, anciennement articles 1386-1 et suivants.

C’est sur l’application de ce régime et de son articulation avec la responsabilité de droit commun dite du fait des choses que s’inscrit l’arrêt rendu le 11 juillet 2018 par la Cour de cassation.

En l’espèce, un accident, s’étant déclaré dans une propriété à proximité de celle de M.X., avait conduit à l’incendie de son bâtiment d’exploitation agricole le 25 juin 2008. Un rapport de 2009 révélant les circonstances du sinistre, faisait état de l’existence d’une surtension sur le réseau électrique ayant conduit à l’explosion d’un transformateur.

Le propriétaire du bâtiment endommagé et son assureur assignaient la société ERDF en tant que producteur, sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er devenu article 1242, alinéa 1er du Code civil régissant la responsabilité du fait des choses.

Mais la société, se prévalant de la responsabilité du fait des produits défectueux, leur opposait la prescription de leur action soumise à un délai légal de 3 ans. Cette position était rejointe par la Cour d’appel (CA Versailles, 30 mars 2017) qui, confirmant l’application de ce régime, a déclaré l’action irrecevable en raison de sa prescription.

M.X. et son assureur, considérant que la réparation du dommage causé à une chose destinée à un usage professionnel ne relevait pas du domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux et arguant la liberté des victimes d’agir sur le fondement de la responsabilité de droit commun, se sont pourvus en cassation.

La première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt de rejet du 11 juillet 2018, n’a pas entendu faire droit à ces demandes, et a permis de mettre en exergue le champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux en droit interne. 

Si, selon la Cour de Justice des Communautés européennes, son application se limite à la réparation des biens destinés à un usage privé, le législateur européen n’entend pas interdire aux États membres la possibilité d’accorder la réparation d’un dommage causé à une chose destinée à un usage professionnel sur le fondement du régime de la Directive dès lors que sont rapportées la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre celui-ci et le dommage (CJCE, 4 juin 2009, Moteurs Leroy Somer, C-285/08).

Ainsi, les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux étant réunies, la Cour de cassation rappelle l’exclusion de l’application de la responsabilité de droit commun en ce qu’elle ne repose pas sur d’autres fondements que sur le fait des choses lui-même. S’appliquent alors les règles relatives au régime des produits défectueux dont la prescription, prévues par l’article 1245-16 du Code civil, court « à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur ». En l’espèce, les faits datant de juin 2008, l’action introduite en 2013 dépasse le délai légal de 3 ans, rendant l’action prescrite et irrecevable.

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