Les contraintes d’organisation du cabinet ne sont pas opposables au patient en cas de faute du médecin

Cass. 1ère civ., 6 octobre 2011 n° pourvoi 10-21.212

Une ophtalmologue avait refusé d’avancer le rendez-vous annuel d’un patient qu’elle suivait depuis plusieurs années malgré les demandes répétées de ce dernier qui se plaignait de troubles visuels. Un rendez-vous précédent n’ayant laissé apparaître aucun symptôme, elle n’avait pas non plus jugé utile de diriger son patient vers un autre praticien. Ce n’est donc finalement que près d’un an après l’apparition des premiers troubles visuels que la victime consulte, à l’initiative de son médecin traitant, un autre ophtalmologue. Ce dernier diagnostique alors une affection grave – rétinopathie diabétique oedémateuse proliférante bilatérale, compliquée d’une hémorragie du vitré à gauche – qui nécessitera plusieurs traitements et interventions laissant subsister d’importantes séquelles. Condamnée à indemniser l’Oniam, qui était intervenu pour réparer le préjudice de la victime, l’ophtalmologue formait un pourvoi en cassation. Elle soutenait notamment qu’en raison d’un très grand nombre de patients, il lui était matériellement impossible d’avancer le rendez-vous. La cour de cassation vient confirmer la décision des juges du fond en estimant que « la surcharge des cabinets ne constitue pas une excuse, le médecin devant réserver les cas d’urgence » ce dernier étant tenu à une obligation de surveillance envers son patient. L’attitude apparemment négligente de l’ophtalmologue qui a « refusé d’avancer le rendez-vous fixé (…), sans prendre la peine de diriger son patient vers un autre confrère », alors qu’elle en avait semble-t-il la possibilité, n’est, en l’espèce, pas totalement étrangère à la rigueur de la cour de cassation.

Défaut d’information en matière médicale : vers un élargissement du droit à indemnisation

Bien que régulièrement retenu par les juridictions, le défaut d’information quant aux risques d’une intervention médicale n’était jusqu’alors pas toujours sanctionné. En effet, le défaut d’information du patient n’était sanctionné qu’à la condition que ce défaut ait directement causé une perte de chance de se soustraire à l’acte médical. Les tribunaux, saisis de cette question devaient donc déterminer si le patient aurait ou non accepté l’intervention en ayant été correctement informé des risques encourus. Cette position était bien entendue particulièrement avantageuse pour le corps médical qui pouvait alors opposer à la demande d’indemnisation du patient, la nécessité de procéder à l’acte médical. Le droit à l’information, consacrée par le législateur, était en partie vidé de sa substance par la jurisprudence. L’objet du débat ne portait en effet plus sur l’absence de consentement éclairé du patient mais sur une extrapolation a postériori de son comportement et de ses choix. Par un arrêt du 3 juin 2010 (1ère civ n°09-13591), la cour de cassation vient d’opérer un revirement de jurisprudence pour remédier à cette situation qui ne manquait pas de laisser un goût amer notamment aux victimes d’actes médicaux ou d’aléas thérapeutiques. En l’espèce, la cour d’appel de Toulouse avait refusée d’octroyer des dommages et intérêts à un patient qui n’avait pas été informé des risques d’impuissance générés par l’intervention au motif que celle-ci était nécessaire en raison de l’état de santé du patient qui l’aurait donc accepté même dûment informé. La cour de cassation sanctionne cette interprétation: “attendu qu’il résulte des articles 16, 16-3 alinéa 2 du code civil que toute personne a le droit d’être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n’est pas à même de consentir, que le non-respect du devoir d’information qui en découle, cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes visés, le juge ne peut laisser sans réparation.” Ainsi, le non-respect de l’obligation d’information du patient lui crée nécessairement un préjudice qu’il convient de réparer indépendamment de toutes considérations liées à une perte de chance. L’indemnisation consistera à réparer le préjudice moral généré par la violation du droit à l’information du patient.

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