La Cour de cassation refuse d’étendre la présomption d’imputabilité du préjudice à l’amiante à la victime non prise en charge au titre d’une maladie professionnelle.

Civ. 2e, 14 déc. 2017, F-P+B, n° 16-25.666

En l’espèce, par le contact avec les vêtements de travail de son époux lui-même atteint d’une pathologie liée à l’exposition à l’amiante, une femme présentait des plaques pleurales péricardiques puis déclarait une maladie tumorale thoracique.

Pour être indemnisée de ses divers préjudices, elle saisissait le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

La victime n’étant pas prise en charge au titre de la législation professionnelle, le Fonds demandait l’avis de la commission d’examen des circonstances d’exposition à l’amiante (CECEA) sur la situation, laquelle ne retenait pas le diagnostic de cancer broncho-pulmonaire primitif.

Tenant compte de cet avis, le FIVA fit une offre d’indemnisation à la victime au titre des seules plaques pleurales.

La victime contestait cette offre devant la Cour d’appel de Paris au motif que la maladie tumorale était, également, due à l’amiante.

La Cour d’appel les déboutait de leur demande faute de preuve de l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre la maladie et l’exposition à l’amiante.

Ils se pourvurent en cassation reprochant à l’arrêt ne pas retenir une présomption de causalité entre la maladie et l’amiante alors que, dans le même temps, le lien de causalité entre les plaques pleurales et l’amiante était établi de façon certaine.

Pour la Cour de cassation, « l’existence d’un lien direct et certain entre la présence, chez une victime non prise en charge au titre d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante, de plaques pleurales et son exposition à l’amiante ne permet pas de présumer l’existence d’un lien de causalité entre cette exposition et le cancer broncho-pulmonaire dont cette victime souffre par ailleurs »

La Cour de cassation opère une distinction selon la qualité de la victime de l’amiante et selon qu’il s’agit d’une victime prise en charge par la législation professionnelle au titre d’une maladie professionnelle ou non.

En principe, lorsqu’une maladie professionnelle liée à l’exposition à l’amiante est prise en charge au titre de la législation professionnelle, le juge reconnaît une présomption simple de causalité entre l’exposition à l’amiante et la maladie ou le décès de la victime.

En revanche, si la victime n’est pas prise en charge par cette législation et que sa pathologie n’a pas le caractère d’une maladie professionnelle, la présomption de causalité n’existe pas. C’est alors à elle ou à ses ayants droit de démontrer le lien de causalité direct et certain entre l’amiante et la maladie.

En l’espèce, l’époux de la victime était atteint d’une pathologie survenue à la suite d’une exposition à l’amiante au cours de son activité professionnelle, ce qui n’est pas le cas de son épouse. La présomption de causalité entre l’exposition à l’amiante et la maladie aurait été applicable à l’égard de l’un mais ne l’est pas à l’égard de l’autre.

L’épouse victime reste soumise aux règles classiques du droit à réparation qui imposent la preuve d’un lien de causalité direct et certain entre le dommage dont elle souffre et le fait dommageable auquel elle l’estime imputable. Si cette preuve n’est pas faite, le droit à réparation n’est pas mis en œuvre.

Finalement, cette décision est l’occasion de rappeler que l’admission de présomptions de causalité reste exceptionnelle. L’exigence de la preuve d’un lien de causalité entre le dommage et le fait dommageable est, à hauteur de principe, requise quel que soit le régime de réparation sur lequel se fonde la victime.

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