Cass.soc 20 février 2013, n°11-28811
L’article l. 3171-4 du code du travail relatif à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié n’est pas applicable à la preuve des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales, qui incombe à l’employeur.
L’article l. 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le deuxième alinéa prévoit, quant à lui, que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Enfin, le troisième et dernier alinéa énonce que, si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Par la présente décision, digne du plus vif intérêt, la cour de cassation vient une nouvelle fois restreindre le champ d’application de cet article.
En l’espèce, un employeur fait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier de le condamner au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail. Il invoque principalement à l’appui de son pourvoi qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, le salarié doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. Il ajoute, par ailleurs, que nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même, en se fondant pour dire que le salarié a excédé les durées maximales de travail sur un décompte établi par ce dernier, le juge du fond a violé les articles l. 3171-4 du code du travail et 1315 du code civil.
Cette argumentation n’est pas, en principe, de nature à emporter la conviction de la cour de cassation car il ne fait pas de doute que le régime de preuve institué par l’article l. 3171-4 du code du travail diffère de celui instauré par l’article 1315 du code civil, selon lequel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. En outre, la cour se montre libérale en matière de preuve car un décompte manuscrit réalisé par le salarié est suffisant à constituer les éléments précis à présenter au juge afin que l’employeur ait à répondre en apportant à son tour ses propres éléments (soc. 24 nov. 2010, n° 09-40.928).
La chambre sociale, déjouant le pronostic d’une réponse usuelle, rejette le pourvoi de l’employeur et décide d’exclure pour la première fois les durées quotidienne et hebdomadaire maximales des articles l. 3121-34 et l. 3121-35 du code du travail du champ d’application du régime probatoire institué par l’article l. 3171-4 du même code.
Selon la cour de cassation, la charge de la preuve des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail incombe uniquement à l’employeur :
« Les dispositions de l’article l. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles l. 3121-34 et l. 3121-35 du code du travail, qui incombe à l’employeur ».
Si l’article l. 3121-35 du code du travail reprend les dispositions relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail en droit communautaire, soit 48 heures, l’article l. 3121-34 du même code pose, quant à lui, une limite quotidienne à la durée du travail qui n’impose qu’une durée minimale de repos journalier (11 heures consécutives au cours de chaque période de 24 heures. Il appartient également à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé annuel payé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement, eu égard à la finalité qu’assigne à ce temps de repos la directive 2003/88/ce concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (soc. 13 juin 2012, n° 11-10.929). La présente décision semble confirmer qu’il n’y a pas lieu de distinguer entre les 4 semaines de congé annuel garanties par la directive et la 5ème semaine prévue par le droit national : toutes sont soumises au même régime probatoire.
Cette solution s’explique certainement par le fait que l’employeur dispose, en vertu du contrat de travail, d’un pouvoir de direction et de contrôle assuré par la possibilité de sanctionner le salarié. Il est, par ailleurs, débiteur d’une obligation de sécurité de résultat. les durées maximales de travail ont pour objet de préserver la santé et d’assurer la sécurité du salarié, il incombe par conséquent à l’employeur de démontrer qu’il a respecté les règles applicables en la matière. A la lecture de l’arrêt, le champ d’application de l’article l. 3171-4 du code du travail semble se limiter à la preuve des heures effectuées en deçà des limites légales maximales, mais reste à déterminer ce qu’il faut entendre par limites légales maximales (10 heures quotidiennes, 48 heures hebdomadaires).
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