Faute médicale – défaut d’information médicale – consentement libre et éclairé

CAA, bordeaux, 8 janvier 2013, Mme E, n° 11bx02884.

Une patiente mère de six enfants, consulte son gynécologue obstétricien au centre hospitalier de Figeac pour une grossesse sous contraception. Le praticien lui propose de procéder au cours d’une seule et même intervention chirurgicale à trois gestes médicaux: une coelioscopie, un dermolipectomie abdominale et une ligature des trompes. Au cours de cette intervention, une grossesse extra utérine est diagnostiquée et nécessite la pratique d’un curetage. Le chirurgien procède ensuite à la ligature des trompes puis à la dermolipectomie. Quelques jours plus tard, l’apparition d’une nécrose cutanée est traitée par ce même praticien. Les prélèvements effectués au niveau de la cicatrice mettent en évidence la présence d’un staphypocholie doré. Un traitement par antibiotiques est prescrit et la patiente est adressée au centre hospitalier de Purpan dans un service de chirurgie plastique pour des séances de caissons hyperbase. Trois opérations, dont deux correctrices, ont ensuite été nécessaires pour remédier aux conséquences dommageables de l’infection.

La patiente a alors intenté une action en responsabilité contre le centre hospitalier de Figeac. Elle se place, tout d’abord, sur le terrain de la faute médicale dénonçant le choix du praticien de mener plusieurs actes médicaux au cours d’une seule opération. Or l’expertise met en évidence, d’une part, l’absence de contre-indication, d’autre part, l’absence de lien de causalité entre la réalisation de ces actes au cours d’une seule opération et l’apparition de la nécrose. Aucune faute médicale ne peut alors être retenue.

C’est ensuite sur le terrain du défaut d’information médicale que se fonde l’action en responsabilité. Aux termes de l’article l 2123-1 du code de la santé publique, « la ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être pratiquée que si la personne majeure intéressée a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d’une information claire et complète sur ses conséquences. Cet acte chirurgical ne peut être pratiqué que dans un établissement de santé et après une consultation auprès d’un médecin. Ce dernier est légalement tenu au cours de la première consultation d’informer la personne des risques médicaux qu’elle encourt et des conséquences de l’intervention. Il dit également lui remettre un dossier d’information. Enfin, l’intervention ne peut être pratiquée qu’à l’issue d’un délai de réflexion de quatre mois après la première consultation médicale et après réception du consentement écrit de la personne concernée. L’information se trouve donc au cœur du consentement aux soins, sans toutefois se confondre avec lui. Le consentement ne peut être éclairé sans information préalable. Seule le patient dument informé pourra exprimer librement sa volonté en acceptant ou en refusant de se soumettre aux soins proposés. Dans la présente affaire, la patiente n’a pas été informée des risques médicaux encourus no des conséquences de la ligature des trompes à visées contraceptive proposée par le praticien. Par ailleurs, elle n’a pas bénéficié d’un délai de réflexion de quatre mois. En conséquence, elle n’a pas été en mesure d’exprimer un consentement éclairé. La cour administrative d’appel de Bordeaux peut ainsi en conclure que le manquement du praticien hospitalier à son obligation d’information engage la responsabilité du centre hospitalier de Figeac en le condamnant à réparer la perte de chance de renoncer à l’intervention, perte de chance qu’elle évalue aux deux tiers du préjudice indemnisable. De même elle retient le défaut d’information médicale relatif aux risques de complications consécutifs à une dermolipectomie.

Face à l’absence d’impérieuse nécessité thérapeutique de cette intervention à visée esthétique, la patiente a perdu, en n’étant pas informée des risques de l’intervention, une chance de se soustraire au risque de nécrose qui s’est réalisé.

La cour évalue le préjudice indemnisable à 55% du dommage corporel

Dans un troisième temps, la requête reproche au centre hospitalier un retard dans la prise en charge des complications post-opératoires. Il ressort en effet du rapport d’expertise que le chirurgien obstétricien qui a réalisé la dermolipectomie, n’était pas qualifié en chirurgie plasticienne et qu’en conséquence, il aurait dû adresser la patiente dans un service de chirurgie plastique et ne pas attendre trois semaines pour prendre cette décision. La cour en conclut que ce retard dans l’ablation des zones de nécrose et dans le traitement et la cicatrisation de cette nécrose est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Figeac à l’égard de la patiente. Enfin, la cour reconnait également la responsabilité de l’établissement public de santé en raison de l’infection nosocomiale contractée par la patiente au cours de son séjour au CHRU. Les faits étant postérieurs au 5 septembre 2001, la présomption de responsabilité instituée par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité su système de santé est applicable.

Aux termes de l’article l 1142-1 du code de la santé publique, les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d’infection nosocomiales sauf s’ils apportent la preuve d’une cause étrangère. ces dispositions font peser sur l’établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales qu’elles soient exogènes ou endogènes à moins que la preuve d’une cause étrangère ne soit apportée (CE, 10 octobre 2011, CHU d’Angers, n° 32850: le conseil d’état considère ainsi que « l’infection des méninges, provoquée par l’intervention, constitue un risque connu (…); que si l’expert a relevé qu’il était très difficile de le prévenir, il ne ressort pas de l’instruction qu’elle présente le caractère d’imprévisibilité et d’irrésistibilité qui permettrait de regarder comme apportée la preuve d’une cause étrangère »; CE, 17 février 2012, consorts Mau, n° 342366, RGM, 2012, p. 567). A cause étrangère présente les caractères de la force majeure. Elle est extérieure aux parties, imprévisibles et irrésistibles. Dans la présente affaire, l’infection par des bactéries staphylocoques dorés a été découverte au niveau de la cicatrice. Elle est survenue au cours du séjour hospitalier et a eu pour effet de surinfecter la nécrose et de retarder la cicatrisation. En l’absence de cause étrangère avérée, la cour retient également la responsabilité de l’établissement sur ce fondement.

Elle considère toutefois, au regard des circonstances de l’espèce, que les fractions du dommage corporel en lien avec le retard de prise en charge médicale et l’infection nosocomiale ne conduiraient pas à une augmentation de la fraction du dommage à réparer et dès lors à une indemnisation supérieure à l’indemnisation à laquelle la patiente a droit, au titre du manquement du centre hospitalier à son devoir d’information des risques liés à la dermolipectomie. Elle en conclue que le retard de prise en charge médicale et l’infection nosocomiale ne peuvent ouvrir droit à une indemnisation supplémentaire.

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