indemnisation de la perte de chance d’occuper un emploi à temps plein

Cet arrêt précise certaines règles gouvernant l’indemnisation des préjudices et décline le principe de la réparation intégrale.

Crim. 18 févr. 2014, F-P+B, n° 12-87.629

Dans cette affaire, la partie civile avait formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Besançon liquidant ses préjudices résultant d’un accident corporel.

L’auteur du pourvoi critiquait notamment le refus des juges du fond d’indemniser, au titre des frais divers, les frais de transport de la partie civile. Dans cette espèce en effet, la victime avait bénéficié de trajets pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) sans qu’une liste de ces trajets ne soit précisément établie. La cour d’appel avait donc considéré qu’il était impossible de connaitre précisément le nombre de trajets restés à charge de la victime et avait purement et simplement rejeté la demande. Or le demandeur avait établi que les trajets pris en charge par la CPAM l’avaient été jusqu’en février 2009 alors que la consolidation était intervenue en juin 2009. La cassation était donc inévitable puisque les juges du fond, tout en reconnaissant le principe du préjudice, avaient refusé de l’indemniser. Il s’agit là d’une jurisprudence constante (Soc. 18 nov. 2009, n° 08-44.175, Crim. 10 déc. 2013, n° 13-80.954).

Le troisième moyen portait sur l’indemnisation des pertes de gains professionnels futurs. Le jeune homme, victime de l’infraction, travaillait, avant que celle-ci ne survienne, à temps partiel. Il conservait de nombreuses séquelles de l’accident, tant et si bien que l’expert avait reconnu l’incompatibilité de son activité professionnelle avec un travail à temps plein. En outre, l’employeur de la victime lui avait fait une proposition d’emploi à temps plein qu’il avait été contraint de décliner en raison des séquelles de l’accident. Or la cour d’appel avait réduit l’indemnisation demandée « aux motifs que, sur la perte de gains professionnels futurs, en effet, dans la mesure où ce poste est évalué par rapport aux revenus antérieurs, Monsieur X. ne peut prétendre à une indemnisation calculée sur le salaire à temps plein qu’il aurait perçu sans l’accident, dès lors qu’antérieurement à celui-ci, il travaillait à temps partiel ». Le moyen, très critique vis-à-vis de cette solution, faisait valoir que la perte de gains professionnels futurs a pour objet d’indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage. Par conséquent, selon le moyen, il appartenait aux juges du fond de calculer l’indemnisation de la victime par la différence entre son potentiel de gains antérieur à l’accident et son revenu postérieur.

Au double visa de l’article 1382 du code civil et 593 du code de procédure pénale, la Cour de cassation casse l’arrêt et rappelle que « le préjudice résultant d’une infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties. ». Les magistrats rappellent qu’une offre d’emploi à temps plein avait été faite à la victime qui a dû y renoncer du fait de ses lésions traumatiques et estiment donc que la cour d’appel a violé les articles sus évoqués en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l’intéressé n’avait pas été privé de la chance d’occuper un emploi à temps plein par la survenue de l’accident.

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