Défense pénale d'une cheffe d'entreprise devant la Cour d'appel de Bordeaux
- Julien Plouton
- 5 déc. 2024
- 5 min de lecture
Cour d’appel de Bordeaux, chambre des appels correctionnels, arrêt pénal du 14 Novembre 2024
Nous avons assuré le 3 octobre 2024 devant la Cour d’appel de Bordeaux, la défense d’une femme, cheffe d’entreprise qui avait relevé appel de sa condamnation en 1ere Instance.
Bien que contestant totalement sa culpabilité, elle avait en effet été déclarée coupable par le Tribunal correctionnel de Bordeaux, des chefs d’abus de biens sociaux, banqueroute et faux en écriture.
Les faits étaient les suivants :
Rentrée dans la vie active dès le plus jeune âge, cette femme intelligente qui avait éprouvé le besoin de reprendre sur le tard des études supérieures, avait exercé la gérance de plusieurs sociétés dans la boulangerie, la pâtisserie puis la restauration avant d’acquérir un fonds de commerce d’ambulances et de créer une nouvelle société destinée à son exploitation.
L’activité se développait rapidement ce qui la conduisait à créer de nouvelles structures sur des zones territoriales distinctes avant de recentrer son activité sur la région bordelaise au sein d’une Société à Responsabilité (SARL) qui lui a valu cette procédure judiciaire.
Elle détenait en propre une part minoritaire du capital, la majorité étant détenu par une holding dont elle était l’associée unique créée à cette occasion dans une optique d’optimisation fiscale.
Les difficultés vont naître dans le courant de l’année 2015 à la suite d’un contrôle de la sécurité sociale qui conduira au déconventionnement de la structure et donc à la mort programmée de l’activité.
Notre cliente détenait alors des comptes courants d’associés significativement créditeurs, (directement et indirectement via sa holding) au sein de cette SARL.
Souhaitant, selon ses déclarations, sauver les emplois de ses salariés, elle demandera à l’un d’entre eux de prendre la présidence d’une Société par Action Simplifiée (SAS) qu’elle fera créer pour les besoins de la cause.
Et qui procédera à l’acquisition d’une partie significative de la flotte de véhicules ambulance de la SARL.
Pour financer cette acquisition, elle se fera rembourser par la SARL et la Holding ses comptes courants d’associé outre le versement de rémunérations conséquentes, ces opérations étant réalisées lors de la période suspecte.
Ces fonds seront ensuite transférés sur les comptes du salarié nouvellement désigné président de la SAS qui les apportera à cette structure qui procédera ainsi, in fine, au rachat des ambulances.
Dans le cas de la procédure de de liquidation judiciaire de la SARL, le mandataire liquidateur saisira le parquet Bordeaux pour signaler notamment la vente de 14 véhicules de la société sur la période suspecte selon le schéma décrit précédemment et signalera l’existence d’un passif de prés de 500 000 €.
Les études des comptes bancaires de la SARL révéleront qu’entre le début de l’année 2015 et la mi-juin 2015, date de son placement en liquidation judiciaire, cette société avait fait l’objet de prélèvements à hauteur de + 200 000 € au bénéfice de sa gérante, ou de la holding qui rétrocédait ensuite ces fonds à la gérante.
Placée en garde à vue, cette dernière s’expliquera sur ces faits et devra également reconnaitre avoir cédé à la SAS, via la SARL, 2 agréments administratifs pour l’exploitation de deux ambulances, valorisés a près de 130 000 € et ce sans aucune contrepartie financière.
Elle expliquait également que la SAS nouvellement crée et dont elle était en réalité dirigeante de fait avait rapidement connu les mêmes difficultés que la SARL à la suite d’un énième contrôle de la sécurité sociale qui conduisait également au retrait d’agrément.
Des retraits de fonds conséquents avaient alors été réalisés à sa demande par le dirigeant de droit de la SAS. Ces fonds n’avaient néanmoins fait que transiter sur le compte du Président pour être redistribués à notre cliente. Elle justifiait ce flux financier en indiquant qu’il s’agissait des remboursements du prêt qu’elle avait accordé au Président lors de la création de la SAS pour financer le développement de son activité et l’acquisition des ambulances.
A l’issue de sa garde à vue, elle se voyait remettre une convocation à comparaitre devant le tribunal correctionnel.
Le Jugement du Tribunal correctionnel : 10 mois d’emprisonnement ferme et confiscation des licences de taxi, source de revenu principale de la prévenue
Elle était jugée le 11 janvier 2022. Déclarée coupable de l’intégralité des faits poursuivis, elle était condamnée en répression à la peine de 18 mois de prison dont 8 mois assortis d’un sursis (soit 10 mois de prison ferme) outre l’interdiction définitive de gérer une société.
Le Tribunal correctionnel avait par ailleurs prononcé la peine complémentaire de confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction soit en l’espèce 2 licences de véhicule de Taxi et les autorisations de stationnement sur deux communes girondines.
Sanction lourde de conséquences également puisque ces 2 licences, mises en location, généraient l’essentiel des revenus de cette femme d’affaires dont les entreprises étaient désormais toutes liquidées.
Notre Défense devant la Cour d’appel :
L’analyse du dossier nous conduisait à revoir la stratégie de défense et à ne contester qu’une partie des infractions poursuivies.
Et à principalement plaider la peine et le contexte.
Nous avons néanmoins produit des conclusions écrites de relaxe partielle après un travail d’analyse détaillée des flux financiers qui permettaient de justifier un certain nombre d’opérations poursuives sous l’infraction d’abus de biens sociaux et qui pouvaient néanmoins être autorisées car correspondant notamment à des rémunérations de gérance et des remboursements de frais.
Nous avons également soutenu qu’une partie des virements effectuées par notre cliente pour le remboursement de son compte courant d’associé avaient été réalisés avant la date de cessation des paiements. Et contesté ainsi leur caractère illicite puisque pour retenir un tel caractère il convient d’établir la connaissance certaine par l’associé de la situation obérée de l’entreprise ce qui nous paraissait contestable en l’espèce.
Nous avons enfin souligné l’absence d’enrichissement personnel de notre cliente à l’issue de ces opérations, cette dernière ayant en réalité tenté de récupérer, certes par des procédés peu orthodoxes, ses apports initiaux aux 2 structures, réalisés notamment via la vente de biens immobiliers personnels.
Son profil était donc totalement atypique et ne correspondait en rien à celui des chefs d’entreprises généralement poursuivis devant les juridictions correctionnelles.
Le Délibéré : Une peine intégralement assortie d’un sursis simple et la restitution des licences de taxi
La Cour d’appel a semble-t-il tenu compte de ces moyens de défense puisque, tout en confirmant la décision de culpabilité elle a ramené la peine prononcée a de plus justes proportions, soit 10 mois intégralement assortis d’un sursis simple ce qui évite toute incarcération a notre cliente.
La chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel de Bordeaux lui a également restitué ses 2 licences de taxi qui sont aujourd’hui sa principale source de revenus.
Ce type d’affaire soulève des enjeux essentiels pour les chefs d’entreprise : comment protéger leurs intérêts tout en respectant des règles souvent complexes ? N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour assurer votre défense pénale et protéger vos intérêts.
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