Qu’est-ce que la préméditation?

Qu’est-ce que la préméditation ?

La préméditation est définie à l’article 132-72 du code pénal :

« La préméditation est le dessein formé avant l’action de commettre un crime ou un délit déterminé ».

Cet article se situe dans la section 3 (De la définition de certaines circonstances entraînant l’aggravation des peines. Articles 132-71 à 132-77) du Chapitre II (Du régime des peines Articles 132-1 à 132-77) du Code pénal.

Ainsi, la préméditation n’est pas une infraction autonome, c’est une circonstance aggravante.

Elle ne s’applique qu’aux infractions les plus graves : les crimes ou les délits.

Ce qui exclut donc les contraventions.

L’article 132-72 du Code pénal érige la préméditation en circonstance aggravante spéciale.

Afin que cette circonstance aggravante s’applique à un crime ou à un délit, elle doit être expressément prévue par les textes.

Ainsi, la préméditation aggrave :

  • Le meurtre (art. 221-3 du C. pénal)
  • L’empoisonnement (art. 221-5 du C. pénal qui se réfère à l’article 221-3)
  • Les tortures ou actes de barbarie (art. 222-3 9° du C. pénal)
  • Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (art. 222-8 9° du C. pénal)
  • Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (art. 222-10 9° du C. pénal)
  • Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (art. 222-12 9° du C. pénal),
  • Les violences qui n’ont pas entraîné une telle incapacité (art. 222-13 9° du C. pénal).

 

Qu’est-ce qu’une circonstance aggravante ?

Une circonstance aggravante est un fait expressément prévu par la loi qui a pour objet de d’augmenter le maximum de la peine prévue pour une infraction existante.

Il existe deux types de circonstances aggravantes, les circonstances aggravantes personnelles et les circonstances aggravantes réelles.

° Les circonstances aggravantes personnelles tiennent à la personne de l’auteur de l’infraction, elles ont un caractère subjectif (ex: relation entre l’auteur et la victime, descendant, ascendant, concubin, etc).

° Les circonstances aggravantes réelles quant à elles s’attachent à la matérialité du fait poursuivi, elles ne peuvent exister qu’en lien avec les faits (ex: infraction commise avec usage ou menace d’une arme, dissimulation du visage, bande organisée).

Contrairement aux circonstances aggravantes personnelles, les circonstances aggravantes réelles produisent leurs effets à l’égard de tous ceux qui ont participé à l’infraction.

 

La préméditation est une circonstance aggravante mixte.

Elle est personnelle car elle résulte de la volonté de l’auteur, mais aussi réelle car elle doit être recherchée dans les faits ayant accompagné l’acte. Elle repose sur des éléments subjectifs et objectifs.

La circonstance aggravante de préméditation produit ses effets à l’égard des complices selon la théorie de l’emprunt de criminalité figurant à l’article 121-6 du code pénal, l’auteur principal fut-il inconnu (Cass. crim. 12 mai 1970, n°70-90.223, Cass. crim. 4 sept. 1976, n°76-91.046, Cass. crim. 2 févr. 1994, n°93-81.873).

Par exemple, l’auteur principal planifie à l’avance de causer la mort d’une personne en se procurant une arme et en mettant en place un plan pour accomplir son crime. Le jour où il décide de mettre son plan à exécution, il sollicite l’aide d’un ami pour s’enfuir après les faits et ce dernier accepte.

Bien que le complice soit retrouvé mais que l’auteur principal soit toujours en fuite, la préméditation, si elle est établie, pourra être retenue dans les poursuites engagées à l’égard du complice. Il pourra donc être reconnu coupable de complicité de meurtre commis avec préméditation (assassinat).

Ainsi, pour que la circonstance aggravante de préméditation soit appliquée au complice, il suffit que l’auteur principal ait prémédité le crime.

 

Quelles sont les conditions pour que la préméditation soit retenue ?

Il y a deux conditions :

L’élément moral

La préméditation est une notion axée sur l’élément moral. Ainsi elle ne peut être appliquée qu’à l’égard des infractions intentionnelles pour lesquelles elle est expressément prévue par les textes.

Préméditer un acte c’est vouloir le commettre, ce qui est le propre de toute intention, mais au-delà de cette simple résolution intentionnelle, il doit y avoir une certaine préparation en amont. Les professeurs Merle et Vitu décrivent dans leur Traité de droit criminel que la préméditation constitue en quelque sorte “un degré supplémentaire de la faute intentionnelle”.

Toutefois il n’est pas nécessaire que la victime soit par avance déterminée (Cass. Crim. 21 octobre 1998, n°98-81.238). Elle sera également caractérisée en cas d’erreur sur la personne de la victime (Cass. Crim. 4 janvier 1978, n°77-90.947).

Emile Garçon définit la préméditation comme “le dessein réfléchi de procéder à l’exécution de l’acte coupable”. René Garraud quant à lui, la caractérise comme “La volonté persistante et résolue et dont le signe caractéristique est le calme et le sang-froid« .

De sorte qu’il y a la réalisation d’un projet délibéré concernant l’acte.

  • L’antériorité de cette intention

Cette intention de commettre l’acte doit nécessairement être évoquée en amont de la commission de l’infraction. Il faut qu’un intervalle de temps, dont la loi ne détermine pas la durée, se soit écoulé entre la résolution de l’acte et son exécution.

Bernardino Alimena décrit la préméditation comme La réflexion qui appelle le calme de l’âme, l’intervalle de temps entre la conception et l’exécution”.

C’est par cette antériorité qu’elle se distingue de la simple intention qui elle est concomitante à l’infraction.

Ainsi en matière d’assassinat, elle pourrait se définir comme : Le dessein mûrement réfléchi et persistant d’attenter à la vie d’autrui”.

La préméditation ne peut être retenue en cas d’impulsion subite. D’après Emile Garçon “la préméditation s’oppose en ce sens à l’impulsion à laquelle cède l’agent sous l’influence irraisonnée de quelque vive passion”.

C’est pour cette raison que La Cour de cassation a annulé, pour contradiction de motifs, l’arrêt d’une cour d’appel qui constatait, d’une part, la préméditation et, d’autre part,  » le caractère spontané des coups portés dans un mouvement subit de colère «  (Cass. crim. 18 juin 1969, n°68-93.171).

 

Comment la préméditation peut être prouvée ?

La préméditation étant une circonstance aggravante il incombe donc à la partie poursuivante d’en apporter la preuve.

Cette preuve doit être recherchée dans les faits qui ont accompagné l’acte (Cass. crim. 12 mai 1970, n° 70-90.223).

En effet, cette notion se rattache à l’intention de l’auteur de commettre une infraction, mais elle peut être révélée par des éléments matériels. Ce sont des actes préparatoires qui vont révéler l’existence d’un dessein mûrement réfléchi.

C’est le cas par exemple de l’acquisition d’une arme, le repérage des lieux, l’étude des habitudes de la future victime ou encore des confidences faites antérieurement.

 

Quelles sont les conséquences de cette retenue ?

Si les juges décident de retenir la circonstance aggravante de préméditation, le quantum de la peine encourue pour l’infraction est augmentée.

Ainsi, l’auteur d’un homicide volontaire (meurtre) encourt selon l’article 221-1 du code pénal un maximum de 30 ans de réclusion criminelle.

Mais si ce meurtre a été commis avec préméditation (on parle alors d’assassinat) c’est la réclusion criminelle à perpétuité qui est encourue (art. 221-3 du C. pénal).

Il est possible de prendre également pour exemple les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours qui sont punies de l’amende prévue pour les contraventions de 5ème classe selon l’article R625-1 du code pénal.

Dans ce cas si la préméditation est retenue, il s’agira de violences aggravées qui seront punies de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende selon le 9° de l’article 222-13 du code pénal.

Il y a une augmentation drastique du quantum de la peine et dans ce dernier exemple la préméditation change même la nature de l’infraction en faisant passer celle-ci d’une contravention à un délit.

Les conséquences sont d’une telle importance qu’il est nécessaire d’établir la préméditation de manière claire et certaine.

Il est impératif de s’assurer que cette circonstance aggravante soit correctement établie pour être prise en compte.

 

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