Procès des frères Bennacer : acquittement de la tentative d'assassinat aux assises de la Gironde
- Julien Plouton - Avocat à la Cour

- 19 juil. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 sept.
Du 26 au 30 juin 2023, la cour d'assises de la Gironde a rendu un verdict d'espoir dans une affaire qui illustre parfaitement la complexité des procès criminels et l'importance d'une défense pénale rigoureuse. Nous sommes intervenus pour assister Hamza Bennacer, accusé d'avoir assené des coups de machette lors d'une agression survenue le 28 juillet 2020 cours de la Marne à Bordeaux.
Les faits : une agression de quinze secondes aux conséquences dramatiques
Le 28 juillet 2020, vers 14 heures, sur le cours de la Marne proche de la gare Saint-Jean, deux coups de feu retentissent. Les caméras du quartier montrent un jeune homme, Walid, alors âgé de 17 ans, avec son chien, attaqué par deux hommes. Hamza Bennacer lui assène trois coups de machette pendant que son petit frère Abdelkader, âgé de 19 ans, tire des coups de feu avant qu'ils ne prennent la fuite.
La violence de l'agression est saisissante : quatre coups de machette tranchent la peau, deux coups de feu manquent leur cible mais résonnent aux oreilles des passants. Cette scène de violence, qui n'a duré que quinze secondes, a marqué à jamais la victime et les témoins. Walid est transporté à l'hôpital où il subit une opération sur son poignet qui est presque entièrement sectionné suite au troisième coup de machette. Deux os du poignet ont été sectionnés, lui laissant cette sensation d'amputation qu'il décrit comme « une main qui pend comme à un fil de chair ».
Une enquête complexe dans un contexte de trafic de stupéfiants
À la suite de ces faits, une information judiciaire est ouverte pour tentative d'assassinat. L'enquête révèle rapidement le contexte particulier de cette agression. De la résine de cannabis conditionnée pour la revente est retrouvée dans les affaires de Walid, accréditing la thèse d'une agression en rapport avec le trafic de stupéfiants qui se pratique dans ce quartier gangrené par la drogue.
La victime elle-même complique l'enquête en s'enfuyant de l'hôpital sans signer de décharge, prétextant aller fumer une cigarette après son opération. Elle retire sa plainte « par peur des représailles », ce qui témoigne du climat de tension qui règne dans ce secteur.
La stratégie de défense : de la cavale à la reddition
Notre client, Hamza Bennacer, après une cavale de huit mois, fait finalement le choix de se présenter au service d'enquête. Un mandat d'arrêt ayant préalablement été délivré à son encontre, il est directement entendu par le magistrat instructeur. Il reconnaît la matérialité des faits qui lui sont reprochés mais conteste toute intention homicide.
Cette reconnaissance des faits, couplée à sa décision de se rendre, témoigne d'une démarche de responsabilisation que nous avons mise en avant tout au long de la procédure. Comprendre les différents statuts en procédure pénale est essentiel pour saisir l'évolution de ce dossier.
Deux versions qui s'opposent
Après une instruction criminelle de plus de deux ans, les deux frères sont finalement mis en accusation devant la cour d'assises de la Gironde. Dans le cadre des débats qui se déroulent pendant près d'une semaine, la version de la victime s'oppose à celle des accusés sur deux points cruciaux :
Le contexte de commission des faits
Walid indique que les faits reposent sur un règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants. Il aurait préalablement volé notre client qui aurait répliqué par vengeance. Il explique avoir dérobé 50 grammes de résine de cannabis à l'un de ses agresseurs.
Quant aux accusés, ils soutiennent qu'un climat général de peur, de menaces et d'altercations antérieures est à l'origine de leurs actes. Ils soulignent avoir éprouvé un sentiment de crainte vis-à-vis de Walid, décrit comme un caïd réputé imprévisible et ingérable.
L'intention des agresseurs
Notre client explique à la cour et aux jurés qu'il pensait pouvoir maîtriser ses gestes et son action mais qu'il a été totalement dépassé et n'a jamais imaginé que ces coups portés pourraient avoir de telles conséquences. Cette notion « d'anticipation anxieuse », qualifiée ainsi par l'expert psychologue, a poussé l'aîné à prendre l'initiative d'une agression physique plutôt que d'en être la victime.
Le petit frère, Abdelkader, met quant à lui en avant sa volonté de protéger son frère aîné qu'il sentait fragilisé et menacé.
Une défense axée sur la personnalité des accusés
Les débats ont été l'occasion de retracer le parcours de vie et la personnalité des deux accusés. Nous avons fait constater qu'ils bénéficiaient d'assises solides et d'une éducation équilibrée. Ils réalisent au cours du procès un effort important pour la manifestation de vérité en essayant de mettre des mots sur leurs actes et leurs ressentis dans un souci manifeste de transparence.
Un tel passage à l'acte ne pouvait que nous interpeller et apparaître comme en décalage total avec les structures stables de leur personnalité. Les questions posées au chef d'enquête par la défense ont été l'occasion de mettre en avant le profil atypique de la victime dont le parcours délinquantiel était paradoxalement plus fourni et le profil psychologique plus instable que ceux des accusés.
Une plaidoirie décisive
Dans le cadre de leurs plaidoiries, Maître Plouton et Brachanet sont revenus sur le contexte de commission des faits pour faire écarter la qualification de tentative d'assassinat. Nous avons relevé notamment l'absence d'intervention d'un tiers pour mettre fin à l'agression, et souligné que notre client s'était arrêté de son propre chef sans avoir visé la moindre zone vitale.
Il était également mis en avant l'évolution favorable de ce jeune homme dans l'optique de sa réinsertion, élément crucial dans l'appréciation de la cour.
Un verdict d'espoir
Après trois heures de délibéré, la cour d'assises acquitte les deux frères de la tentative d'assassinat. Elle les condamne pour violences ayant entraîné une infirmité permanente au vu des importantes séquelles dont souffre encore Walid s'agissant de son poignet gauche.
La cour prend manifestement en compte les arguments de la défense quant à la personnalité des accusés et le contexte des faits en rendant un verdict d'espoir : elle prononce contre les deux frères des peines de 9 et 7 ans de prison.
Les perspectives d'avenir
Il n'y a donc pas de période de sûreté attachée à ces peines qui pourront prochainement faire l'objet d'un aménagement de peine compte tenu des près de 3 années de détention provisoire effectuées par notre client.
Ce verdict permettra aux deux frères de continuer leur travail de conscientisation de leurs actes et de parfaire leurs efforts déjà importants au sein des centres de détention. Ils ont mis à profit toutes les formations professionnelles et activités qui leur ont été proposées dans l'optique d'une future réinsertion.
Notre engagement dans cette affaire
Cette affaire illustre parfaitement notre approche de la défense pénale : une analyse rigoureuse des faits, une compréhension fine de la personnalité de nos clients, et une stratégie de défense adaptée aux enjeux humains et juridiques. Nous sommes fiers d'avoir contribué à ce que la justice reconnaisse la complexité de cette affaire et rende un verdict équilibré qui ouvre des perspectives d'avenir pour nos clients.
Notre cabinet continue d'accompagner les deux frères dans leurs démarches de réinsertion, convaincus que ce verdict d'espoir leur permettra de se reconstruire et de contribuer positivement à la société.



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