Durée de la garde à vue : 24h, 48h, 96h... Combien de temps maximum ?
- Cabinet Plouton

- 16 déc. 2024
- 8 min de lecture
La garde à vue est une épreuve soudaine et déstabilisante, tant pour la personne qui la subit que pour ses proches. Dans ce moment de confusion et d'angoisse, une question revient sans cesse : combien de temps cela va-t-il durer? 24 heures? 48 heures? Plus encore?
En tant qu'avocats pénalistes à Bordeaux, nous savons que l'incertitude est l'un des aspects les plus difficiles de cette mesure.
Cet article a pour but de vous éclairer, de manière simple et transparente. Nous allons décortiquer, étape par étape, les différentes durées légales de la garde à vue, les raisons qui peuvent justifier une prolongation et, surtout, les droits qui vous protègent à chaque instant.
Comprendre ce cadre légal est le premier pas pour se défendre. Si vous ou un proche êtes confronté à une telle situation, sachez que notre cabinet est à votre disposition pour vous assister en urgence. Contactez le cabinet Plouton Avocats.
La durée de principe : 24 heures, le point de départ de tout
La règle de base, inscrite dans le Code de procédure pénale, est que la durée initiale d'une garde à vue ne peut excéder 24 heures. C'est le cadre de référence pour la quasi-totalité des infractions. Durant ce laps de temps, les officiers de police judiciaire (OPJ) mènent les premières investigations pour vérifier les soupçons qui pèsent sur la personne retenue.
Quand le chronomètre se déclenche-t-il VRAIMENT?
C'est un point technique, mais absolument fondamental. Le décompte des 24 heures ne commence pas à l'arrivée au commissariat ou à la gendarmerie, ni au moment où l'on vous notifie officiellement vos droits. Il débute à l'instant précis où vous êtes privé de votre liberté d'aller et venir.
Cette nuance est capitale et peut prendre plusieurs formes concrètes :
En cas d'interpellation dans la rue : Si vous êtes arrêté à 15h00 et que vous n'arrivez au commissariat qu'à 16h00, la garde à vue a commencé à 15h00. Elle devra donc prendre fin, au plus tard, le lendemain à 15h00.
En cas de contrôle routier : Pour une infraction comme la conduite en état d'ivresse, le début de la garde à vue est fixé à l'heure du test d'alcoolémie ou de stupéfiants, même si d'autres vérifications sont faites plus tard au poste.
En cas de placement en cellule de dégrisement : Le temps passé en chambre de dégrisement avant l'audition est entièrement comptabilisé dans la durée totale de la garde à vue.
Le calcul précis de cette heure de départ est un réflexe essentiel pour un avocat pénaliste. Une erreur, même d'une heure, de la part des enquêteurs peut rendre la totalité de la mesure illégale. C'est souvent sur ces détails, en apparence minimes, que se construit une défense efficace.
La première prolongation : jusqu'à 48 heures (le cas général)
Dans de nombreux cas, les 24 heures initiales ne suffisent pas aux enquêteurs. La loi prévoit donc la possibilité de prolonger la garde à vue de 24 heures supplémentaires, portant ainsi sa durée totale maximale à 48 heures. C'est le scénario le plus fréquent en pratique.
Quelles sont les conditions pour une prolongation?
Cette prolongation n'est pas automatique. Elle est soumise à des conditions strictes qui doivent être scrupuleusement respectées :
La gravité de l'infraction : La prolongation n'est possible que si les faits pour lesquels la personne est retenue constituent un crime ou un délit puni par la loi d'une peine d'emprisonnement d'au moins un an.2 Pour les infractions moins graves, la garde à vue ne peut excéder 24 heures.
L'autorisation d'un magistrat : La décision de prolonger doit être prise par le Procureur de la République (dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance) ou par le Juge d'instruction (si une information judiciaire est ouverte). Cette autorisation doit être écrite et motivée, c'est-à-dire qu'elle doit expliquer pourquoi il est nécessaire de maintenir la personne en garde à vue.
Vos droits spécifiques en cas de prolongation
L'approche de la 24ème heure n'est pas seulement un moment de bascule pour l'enquête ; elle active de nouveaux droits fondamentaux pour la personne gardée à vue. Il ne s'agit pas de droits passifs, mais d'outils concrets pour contester la mesure.
Le droit à un nouvel examen médical : Vous pouvez demander à être examiné une seconde fois par un médecin. Celui-ci vérifiera si votre état de santé est compatible avec la poursuite de la garde à vue et son avis sera versé au dossier. C'est une garantie essentielle.
Le droit de présenter des observations au magistrat : C'est une étape cruciale. Vous pouvez demander à être présenté physiquement (ou par visioconférence) au magistrat qui s'apprête à décider de la prolongation. C'est la première occasion de contester directement, avec l'aide de votre avocat, la nécessité de vous maintenir privé de liberté. Votre avocat peut argumenter que les objectifs de l'enquête sont atteints ou que la prolongation n'est pas justifiée.
Le droit à un nouvel entretien avec votre avocat : Dès le début de la prolongation, vous avez le droit de vous entretenir à nouveau confidentiellement avec votre avocat pendant 30 minutes.
Ce moment de la prolongation transforme une décision qui pourrait sembler administrative en un débat contradictoire. C'est une opportunité stratégique pour votre défense, où l'intervention d'un avocat peut faire la différence et mener à une remise en liberté.
Les prolongations exceptionnelles : 72h, 96h et au-delà
Pour les formes de criminalité les plus graves, le législateur a prévu des régimes dérogatoires permettant de prolonger la garde à vue bien au-delà des 48 heures de droit commun. Ces mesures, qui portent une atteinte majeure à la liberté individuelle, sont très encadrées.
Criminalité organisée et trafic de stupéfiants (jusqu'à 96 heures... et même 120 heures)
Pour les infractions relevant de la criminalité en bande organisée (comme le vol à main armée, le proxénétisme aggravé, etc.) et le trafic de stupéfiants, listées à l'article 706-73 du Code de procédure pénale, la durée de la garde à vue peut atteindre 96 heures (soit 4 jours). Cette durée est atteinte par deux prolongations supplémentaires de 24 heures chacune après les 48 premières heures.
Il existe même une exception très spécifique : pour les personnes soupçonnées de trafic de stupéfiants qui ont ingéré la drogue pour la transporter (communément appelées "mules"), une prolongation additionnelle de 24 heures est possible si la présence des produits dans l'organisme est avérée. La durée totale peut alors être portée à 120 heures (5 jours), notamment pour permettre l'expulsion naturelle des preuves dans un cadre médicalisé et sécurisé. La connaissance de cette règle pointue illustre la complexité de la matière et la nécessité d'une défense spécialisée.
Terrorisme (jusqu'à 144 heures, soit 6 jours)
Le régime le plus exceptionnel est réservé aux affaires de terrorisme. Face à la complexité de ces enquêtes et à la gravité de la menace, la garde à vue peut être étendue jusqu'à une durée maximale de 144 heures, soit 6 jours. Ces prolongations successives sont soumises à des conditions extrêmement strictes et à un contrôle judiciaire renforcé.
Le rôle central du Juge des Libertés et de la Détention (JLD)
Un changement fondamental intervient après 48 heures de garde à vue. Pour toute prolongation au-delà de ce seuil, ce n'est plus le Procureur de la République (qui dirige l'accusation) qui est seul compétent. La décision doit être prise par un magistrat du siège, indépendant de l'accusation : le Juge des Libertés et de la Détention (JLD), ou le Juge d'instruction s'il est déjà saisi.
Ce basculement n'est pas un simple détail de procédure. Il constitue une garantie fondamentale. La loi considère qu'une privation de liberté aussi longue exige l'intervention d'un "arbitre" dont le rôle spécifique est de protéger les libertés individuelles face aux nécessités de l'enquête. La présentation de la personne au JLD est le principe, ce qui assure que la décision de prolonger est prise après un débat contradictoire, renforçant ainsi les droits de la défense.
Tableau récapitulatif des durées de garde à vue par type d'infraction
Pour y voir plus clair, voici un tableau qui résume les différentes durées maximales de la garde à vue en France, en fonction de la nature de l'infraction et de l'âge de la personne concernée.
Régime / Personne Concernée | Durée Initiale | 1ère Prolongation | Prolongations Exceptionnelles | Durée Maximale | Autorité Clé pour la Prolongation |
Majeur - Droit Commun | 24h | + 24h | - | 48h | Procureur / Juge d'instruction |
Majeur - Bande Organisée | 24h | + 24h | + 24h, puis + 24h | 96h | JLD / Juge d'instruction |
Majeur - Trafic de Stupéfiants ("Mule") | 24h | + 24h | + 24h, + 24h, puis + 24h | 120h (5j) | JLD / Juge d'instruction |
Majeur - Terrorisme | 24h | + 24h | Jusqu'à 144h par tranches | 144h (6j) | JLD / Juge d'instruction |
Mineur (16-17 ans) | 24h | + 24h | - | 48h | Procureur / Juge d'instruction |
Mineur (13-15 ans) | 24h | + 24h (si peine ≥ 5 ans) | - | 48h | Procureur / Juge d'instruction |
Mineur (10-12 ans) - Retenue | 12h | + 12h (si peine ≥ 5 ans) | - | 24h | Procureur / Juge d'instruction |
Que se passe-t-il si la durée légale est dépassée?
Le respect des délais de la garde à vue n'est pas une option. C'est une obligation impérative qui protège la liberté individuelle. Si la durée légale est dépassée, même de quelques minutes, les conséquences peuvent être radicales : c'est le principe de la nullité de la procédure.
Concrètement, si un juge constate que la garde à vue est illégale (par exemple, en raison d'un dépassement de la durée maximale), il peut l'annuler. Cette annulation a un effet "domino". Selon la théorie des "fruits de l'arbre empoisonné", tous les actes d'enquête qui ont été réalisés pendant la garde à vue illégale et qui en sont le support nécessaire peuvent également être annulés. Cela peut concerner :
Les aveux ou déclarations faits pendant les auditions.
Les résultats d'une perquisition décidée sur la base de ces déclarations.
Toute pièce de la procédure qui découle directement de la mesure annulée.
Cependant, il est essentiel de comprendre une chose : la nullité n'est jamais automatique. Une erreur de procédure ne suffit pas toujours à faire tomber un dossier. Elle doit être identifiée, argumentée et plaidée par un avocat devant la juridiction compétente (la Chambre de l'instruction ou le tribunal correctionnel). Le rôle de l'avocat est de démontrer que l'irrégularité a porté une atteinte effective aux droits de son client. C'est un combat juridique technique et précis, où l'expertise d'un pénaliste est déterminante.
La vigilance sur le respect scrupuleux des délais et la capacité à soulever une nullité pertinente est l'une des plus-values les plus importantes de l'assistance d'un avocat dès la première heure de garde à vue. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter nos ressources sur les vices de procédure en droit pénal.
Conclusion : La durée de la garde à vue, un cadre strict pour protéger vos droits
Comme nous venons de le voir, la durée d'une garde à vue est tout sauf arbitraire. Elle est régie par un cadre légal strict qui évolue en fonction de la gravité des faits et de l'avancée de l'enquête : 24 heures par principe, 48 heures dans le cas général, et jusqu'à 96, 120 ou 144 heures pour les crimes les plus graves.
Chaque palier de cette chronologie est un rempart pour vos libertés, ouvrant des droits spécifiques et renforçant le contrôle judiciaire. Connaître ces règles est une première étape indispensable. Mais dans le contexte stressant et complexe d'une garde à vue, seul un avocat spécialisé en droit pénal a l'expertise pour s'assurer que chaque seconde du chronomètre est légale, que chaque droit est respecté, et que chaque faille de la procédure est exploitée pour construire une défense solide.
Si vous ou l'un de vos proches êtes placé en garde à vue à Bordeaux ou dans la région, n'attendez pas. Les premières heures sont décisives. Contactez le Cabinet Plouton pour une assistance immédiate et une défense efficace.



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