Que se passe-t-il après une garde à vue (classement, déferrement, jugement) ?
- Cabinet Plouton
- 12 nov. 2024
- 10 min de lecture
La fin d'une garde à vue est rarement la fin de l'histoire. C'est un moment de soulagement intense, mais aussi le début d'une période d'incertitude et d'angoisse. Que va-t-il se passer maintenant? Vais-je être jugé ? Est-ce que je risque la prison? Ces questions sont légitimes et pèsent lourdement. Notre cabinet d'avocats pénalistes Plouton vous éclaire sur les différents scénarios.
L'issue de la garde à vue : la décision cruciale du Procureur de la République
Une fois la période de garde à vue terminée (qu'elle ait duré 24 heures, 48 heures ou plus), une idée fausse persiste : celle que les policiers ou les gendarmes qui vous ont interrogé décident de votre sort. C'est inexact. Les enquêteurs rédigent des procès-verbaux et rassemblent des éléments, mais ils n'ont aucun pouvoir de décision sur les suites de la procédure.
La décision finale appartient exclusivement à une seule personne : le Procureur de la République. C'est le magistrat qui représente l'accusation et qui, au nom de la société, décide de l'opportunité des poursuites. Ce principe fondamental du droit pénal français signifie que sa décision n'est pas automatique. En fonction des preuves au dossier, de la gravité des faits reprochés, de votre personnalité, de vos antécédents judiciaires et du contexte général, il jugera s'il est "opportun" d'engager des poursuites contre vous.
Cette part de subjectivité dans la décision du procureur est un point d'intervention stratégique. Un avocat pénaliste expérimenté peut, dès la fin de la garde à vue, prendre contact avec le parquet pour présenter des arguments ou des éléments de contexte qui pourraient orienter cette décision vers une issue plus favorable.
Scénario 1 : La sortie libre sans poursuites (Classement sans suite)
C'est l'issue la plus favorable que l'on puisse espérer. Vous êtes libéré du commissariat ou de la gendarmerie, et le procureur a décidé de ne pas engager de poursuites à votre encontre.
Qu'est-ce qu'un classement sans suite et que cela implique-t-il?
Un classement sans suite signifie que la procédure pénale s'arrête. Le procureur peut prendre cette décision pour plusieurs raisons :
Les charges sont insuffisantes : les éléments recueillis durant l'enquête ne permettent pas de prouver votre culpabilité.
L'infraction n'est pas constituée : les faits qui vous sont reprochés ne correspondent pas à une infraction définie par la loi (on parle d'« infraction insuffisamment caractérisée »).
L'auteur n'a pas pu être identifié (si vous étiez entendu comme simple témoin ou suspect parmi d'autres).
D'autres motifs juridiques ou pratiques (prescription des faits, trouble mental, etc.).
Cependant, il est essentiel de comprendre une nuance capitale : un classement sans suite n'est pas un jugement d'innocence. C'est une décision de procédure. Cela implique que le procureur peut toujours revenir sur sa décision et engager des poursuites ultérieurement, notamment si de nouveaux éléments apparaissent, et ce, tant que le délai de prescription de l'infraction n'est pas écoulé. Cette situation peut créer une incertitude pesante. Un avocat peut alors adresser une demande au procureur pour savoir si le classement est envisagé comme définitif, afin de vous apporter une plus grande tranquillité d'esprit.
Votre garde à vue laisse-t-elle des traces malgré le classement?
C'est l'un des points les plus importants et les plus méconnus. Même avec un classement sans suite, votre passage en garde à vue laisse une empreinte administrative qu'il ne faut pas négliger. Il faut distinguer deux fichiers bien différents.
Le Casier Judiciaire : Le casier judiciaire (bulletins n°1, 2 et 3) ne mentionne que les condamnations pénales définitives. Une garde à vue suivie d'un classement sans suite n'est jamais inscrite sur votre casier judiciaire. Vous pouvez donc légitimement affirmer que vous n'avez pas de casier judiciaire.
Le Fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ) : Il s'agit d'un fichier de police et de gendarmerie bien plus large. Il recense toutes les personnes qui ont été "mises en cause" dans une enquête pénale, c'est-à-dire soupçonnées d'avoir commis une infraction, quelle que soit l'issue de la procédure. Votre garde à vue y sera donc inscrite, même si l'affaire a été classée.
Le problème est que ce fichier TAJ est consulté lors des enquêtes administratives pour l'accès à de nombreuses professions réglementées (fonction publique, sécurité, aéroportuaire, etc.) ou pour des démarches comme une demande de naturalisation. Une inscription, même sans condamnation, peut être un motif de refus.
L'effacement de cette inscription n'est pas automatique. Il faut en faire la demande expresse auprès du procureur de la République. C'est une démarche technique pour laquelle l'assistance d'un avocat est vivement recommandée afin de "nettoyer" ce fichier et de préserver votre avenir.
Scénario 2 : La sortie libre avec une convocation ultérieure
Dans cette hypothèse, vous êtes également remis en liberté à l'issue de la garde à vue, mais la procédure n'est pas terminée. Le procureur a décidé de poursuivre, mais par une voie qui ne nécessite pas de vous présenter immédiatement à un juge. Vous repartirez avec une convocation pour une date ultérieure.
L'alternative aux poursuites : médiation pénale ou composition pénale
Le procureur peut vous proposer une "troisième voie", entre le classement pur et simple et le procès. Ces mesures visent à apporter une réponse à l'infraction sans passer par un jugement au tribunal.
La médiation pénale : Il s'agit d'un processus visant à trouver un accord à l'amiable entre vous et la victime, avec l'aide d'un médiateur. Cette mesure nécessite l'accord de la victime. Si la médiation réussit et que vous respectez vos engagements (par exemple, une indemnisation), le procureur classe l'affaire sans suite. La médiation pénale n'est pas inscrite au casier judiciaire.
La composition pénale : Ici, le procureur vous propose d'exécuter une ou plusieurs sanctions (payer une amende, effectuer un stage de citoyenneté, remettre votre permis de conduire...) en échange de l'abandon des poursuites. Cela suppose que vous reconnaissiez les faits. Si vous acceptez et exécutez la mesure, qui doit être validée par un juge, l'action publique s'éteint. Attention, la composition pénale, contrairement à la médiation,
est inscrite au bulletin n°1 de votre casier judiciaire pendant 3 ans.
Le choix d'accepter ou de refuser ces mesures n'est pas anodin. Accepter une composition pénale peut sembler une solution de facilité pour éviter un procès, mais cela signifie acquérir une mention à votre casier judiciaire. L'avocat est là pour vous éclairer sur ces conséquences à long terme et vous aider à prendre la meilleure décision stratégique.
La Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) : principe et rôle obligatoire de l'avocat
Souvent surnommée le "plaider-coupable" à la française, la CRPC est une procédure où le procureur vous propose une peine précise (pouvant inclure de la prison ferme) si vous reconnaissez votre culpabilité.
Point fondamental : l'assistance d'un avocat est obligatoire pour une CRPC. La loi l'impose pour garantir que vos droits sont protégés dans cette négociation où vous renoncez à un procès complet.
La procédure se déroule en plusieurs temps :
Négociation : Votre avocat s'entretient avec le procureur. Il peut consulter le dossier et négocier la peine proposée en faisant valoir les éléments de votre personnalité et les failles éventuelles de la procédure.
Votre choix : Vous pouvez accepter, refuser, ou demander un délai de réflexion de 10 jours.
Homologation : Si vous acceptez, vous êtes présenté à un juge qui doit valider ("homologuer") l'accord.
En cas de refus : Si vous refusez la peine ou si le juge refuse de l'homologuer, l'affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel pour un procès classique.
Le rôle de l'avocat n'est pas celui d'un simple accompagnateur. C'est un négociateur actif. Son analyse du dossier peut révéler que la peine proposée est disproportionnée ou que des vices de procédure pourraient mener à une relaxe (un acquittement) au tribunal. Dans ce cas, la meilleure stratégie peut être de refuser la CRPC.
La convocation directe devant le Tribunal Correctionnel (COPJ)
C'est un des scénarios les plus fréquents. Vous sortez libre, mais on vous remet un document intitulé Convocation par Officier de Police Judiciaire (COPJ). Il s'agit d'une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel à une date précise pour y être jugé.
Recevoir une COPJ signifie que le procureur estime avoir suffisamment d'éléments pour obtenir votre condamnation lors d'un procès. Vous êtes libre jusqu'à l'audience, mais vous avez désormais le statut de "prévenu".
La loi prévoit un délai minimum de 10 jours entre la remise de la convocation et la date d'audience. Cette période n'est pas un temps d'attente, mais une fenêtre de préparation cruciale pour votre défense. C'est le moment où il faut impérativement contacter un avocat. Celui-ci demandera la copie de votre dossier pénal, l'analysera, identifiera les points forts et les points faibles, et bâtira avec vous la stratégie de défense la plus efficace pour le jour de l'audience.
Scénario 3 : Le déferrement immédiat devant un magistrat
Nous abordons ici les issues les plus sérieuses. Dans ces cas, vous n'êtes pas remis en liberté. À la fin de la garde à vue, vous êtes maintenu en état d'arrestation et conduit directement depuis les locaux de la police ou de la gendarmerie jusqu'au palais de justice. C'est ce qu'on appelle le déferrement.
Qu'est-ce que le déferrement? Le transfert du commissariat au palais de justice
Le déferrement est l'acte qui vous fait passer du contrôle des enquêteurs à celui de l'autorité judiciaire. Il est généralement décidé pour les faits les plus graves ou si vous avez des antécédents judiciaires. Vous êtes transporté au tribunal et vous attendez dans une cellule (le "dépôt" ou la "souricière") d'être présenté à un magistrat.
Cette présentation doit avoir lieu le jour même de la fin de la garde à vue, ou au plus tard dans les 20 heures qui suivent. Si ce délai est dépassé, vous devez être remis en liberté.
Ce moment est un tournant. C'est la première fois que votre avocat peut consulter l'intégralité du dossier pénal. Pendant la garde à vue, son accès aux pièces est très limité. Au déferrement, il peut enfin analyser toutes les preuves et les procès-verbaux. Dans le court laps de temps avant votre présentation au procureur, il peut identifier des failles et formuler des observations cruciales qui peuvent influencer la décision du magistrat.
La comparution immédiate : être jugé le jour même et le droit de demander un délai
Suite au déferrement, le procureur peut décider de vous faire juger sur-le-champ par le tribunal correctionnel. C'est la procédure de comparution immédiate. Elle est réservée aux délits punis d'au moins 2 ans de prison (ou 6 mois en cas de flagrant délit) et lorsque l'affaire semble "en état d'être jugée".
Au début de l'audience, le président du tribunal vous posera une question fondamentale : "Acceptez-vous d'être jugé aujourd'hui?". Vous avez le droit absolu de refuser et de demander un délai pour préparer votre défense.
Accepter d'être jugé immédiatement est presque toujours une mauvaise stratégie, car ni vous ni votre avocat n'avez eu le temps matériel de préparer une défense sérieuse. Le conseil de l'avocat sera quasi systématiquement de demander un renvoi.
Mais ce choix a une contrepartie risquée. Si vous demandez un délai, le procès est reporté de plusieurs semaines. Le tribunal doit alors statuer sur votre sort en attendant cette nouvelle audience. Il peut vous laisser libre, éventuellement sous contrôle judiciaire, ou il peut ordonner votre placement en détention provisoire s'il craint que vous ne vous représentiez pas ou que vous commettiez de nouvelles infractions. C'est là que le rôle de l'avocat devient double : d'abord vous conseiller de demander le renvoi, puis immédiatement plaider contre la détention provisoire en présentant au tribunal vos
garanties de représentation.
L'ouverture d'une information judiciaire : la mise en examen par un juge d'instruction
Pour les affaires les plus graves (obligatoire en matière de crime) ou les plus complexes, le procureur peut estimer que l'enquête de police n'est pas suffisante. Il demande alors l'ouverture d'une information judiciaire et confie le dossier à un magistrat indépendant : le juge d'instruction.
Le juge d'instruction vous convoquera pour un "interrogatoire de première comparution". S'il estime qu'il existe contre vous des "indices graves ou concordants", il vous notifiera votre mise en examen.
Être mis en examen n'est pas une déclaration de culpabilité. Cela signifie que vous devenez officiellement une partie à la procédure, ce qui vous ouvre des droits importants : accès total au dossier, assistance systématique d'un avocat, et surtout, le droit de demander au juge de réaliser des actes d'enquête (auditions de témoins, expertises, etc.). Le juge d'instruction a pour mission d'enquêter "à charge et à décharge", c'est-à-dire de rechercher autant les preuves de votre culpabilité que celles de votre innocence.
Le rôle de l'avocat change alors de dimension. Il n'est plus seulement là pour vous défendre lors d'un procès, mais pour participer activement à l'enquête. Il peut contester des preuves, demander des confrontations, proposer des pistes d'investigation et ainsi contribuer à la manifestation de la vérité bien avant une éventuelle audience de jugement. Comme pour la comparution immédiate, la question de votre placement en détention provisoire pendant la durée de l'instruction (qui peut durer des mois, voire des années) sera décidée, rendant les garanties de représentation tout aussi vitales.

Le rôle de l'avocat pour anticiper et gérer les suites de la garde à vue
Comme ce panorama le démontre, l'intervention d'un avocat pénaliste n'est pas un luxe, mais une nécessité à chaque étape qui suit la garde à vue. Son rôle est d'anticiper les décisions du procureur, de protéger vos droits et de construire la meilleure défense possible.
L'un des outils les plus puissants contre la détention provisoire est la constitution d'un dossier de garanties de représentation. Dans tous les scénarios impliquant un déferrement, la crainte principale du magistrat est que vous ne vous présentiez pas à votre procès. Le but de la détention est souvent de s'assurer de votre présence.
L'argument le plus efficace de votre avocat est de prouver, par des pièces concrètes, que vous êtes stable, inséré, et que vous avez toutes les raisons de rester pour faire face à la justice. Dès que vous apprenez qu'un proche est en garde à vue, il est essentiel de rassembler ces documents pour que l'avocat puisse les présenter au juge au moment décisif.
Voici une liste des documents à préparer d'urgence :
Preuve de domicile : Facture d'électricité, de gaz ou d'internet de moins de 3 mois, quittance de loyer. Si vous êtes hébergé, une attestation d'hébergement signée par votre hôte, avec une copie de sa pièce d'identité et de son propre justificatif de domicile.
Preuve d'insertion professionnelle ou scolaire : Contrat de travail (CDI, CDD), fiches de paie récentes, certificat de scolarité, carte d'étudiant, extrait Kbis pour un entrepreneur.
Preuve de ressources : Dernier avis d'imposition, attestation de la CAF ou de Pôle Emploi.
Preuve de liens familiaux : Livret de famille, actes de naissance de vos enfants.
Tout autre document montrant votre ancrage dans la société (attestation de bénévolat dans une association, etc.).
En conclusion, la fin d'une garde à vue est un carrefour décisif. La direction que prendra votre dossier dépend de la décision du procureur, mais l'issue finale peut être considérablement influencée par le travail stratégique et la réactivité de votre avocat.
Quelle que soit la situation, vous avez des droits. Contacter le Cabinet Plouton sans délai, c'est s'assurer que ces droits seront défendus et qu'une stratégie sera immédiatement mise en place pour obtenir le résultat le plus favorable possible.
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