Camblanes, 30 avril 2023 : d’une expédition filmée à une relaxe partielle
- Julien Plouton - Avocat à la Cour

- 22 août 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 sept.
Tribunal correctionnel (5e chambre) – Délibéré du 11 juillet 2023.
Quatre véhicules, une vingtaine de jeunes, une attaque éclair
d’un peu plus d’une minute : la scène captée par les caméras municipales de Camblanes‑et‑Meynac a marqué les esprits. Au terme de la procédure, notre client, conducteur de l’un des véhicules, a été relaxé des violences qui lui étaient reprochées. Le tribunal a toutefois retenu sa complicité pour le transport des auteurs, et prononcé à son encontre une peine entièrement assortie d’un sursis probatoire.
Les faits : une minute de violence, de longues conséquences
Dans la nuit du 30 avril 2023, alors qu’une fête portugaise se tient près de la salle des fêtes, quatre garçons discutent sur une petite place. Un convoi de quatre voitures arrive, se gare ; une vingtaine de jeunes en sortent et se précipitent vers eux. L’un tente de fuir, est rattrapé, mis au sol, roué de coups. Des marteaux et tournevis apparaissent à l’image – des armes par destination au sens du droit pénal dès lors qu’ils servent à frapper.
Malgré la violence des images, les lésions physiques resteront légères (ITT pénales de 6 et 7 jours fixées par le CAUVA). Le retentissement psychologique, lui, est notable : la soudaineté, la coordination, l’ampleur du groupe produisent un choc durable chez les victimes.
L’enquête : des identifications rapides, un mobile incertain
Les plaques visibles à la vidéo et un contrôle intervenu peu après permettent à la gendarmerie d’identifier rapidement des suspects et de recouper les éléments lors des auditions. Le mobile demeure indéterminé :
possible règlement de compte sur fond de stupéfiants ;
querelle amoureuse et rivalités ;
méprise sur la cible.
Ces hypothèses, non tranchées, ne changent pas la qualification des violences, mais alimentent la discussion sur le degré de connaissance de chacun.
Notre client : un conducteur en retrait, entre présence et participation
Nous assistons l’un des conducteurs. Sa position : il a accepté de déposer un ami et son groupe pour une soirée, sans savoir qu’une agression était planifiée. Deux éléments compliquent l’analyse :
des passagers reconnaissent avoir évoqué l’« expédition » pendant le trajet ;
sur les images, on voit notre client sortir cagoulé de son véhicule.
Nous démontrons que ces éléments ne suffisent pas à établir une participation aux violences. Les mêmes images montrent qu’il reste à l’écart, ne frappe pas, puis regagne son véhicule visiblement sidéré. La cagoule n’est pas, en soi, la preuve d’un acte violent ; elle peut traduire un effet de groupe, une crainte d’être reconnu. En droit, la coaction exige des actes positifs ou une contribution directe aux coups ; la simple présence dans un groupe, même équipée, ne suffit pas. À défaut d’actes, on discute la complicité : une aide (ici, le transport) fournie en connaissance de cause du dessein principal.
À l’audience : la force des images, le rappel aux principes
Les vidéos, projetées à plusieurs reprises, pèsent dans le débat. Nous rappelons que l’image n’épuise ni le temps (avant/pendant/après), ni l’intention. Chaque prévenu doit être jugé sur ses propres actes et sa volonté : auteurs pour ceux qui frappent ou contribuent matériellement ; complices pour ceux qui facilitent en sachant.
Nous soulignons le parcours de notre client : aucun antécédent, baccalauréat obtenu, BTS en alternance en cours, insertion professionnelle réelle. Notre ligne : individualiser – distinguer l’accompagnant de l’agresseur, la présence de la coaction.
La décision : relaxe des violences, complicité retenue, sursis probatoire
Le 11 juillet 2023, la 5e chambre prononce la relaxe de notre client pour les violences (absence de preuve d’une participation matérielle). Elle retient en revanche la complicité du fait principal, considérant qu’il a transporté en connaissance de cause les futurs agresseurs au vu des déclarations et circonstances. La peine est entièrement assortie d’un sursis probatoire.
À l’inverse, plusieurs co‑prévenus écopent de peines d’emprisonnement ferme, parfois avec mandat de dépôt à l’audience – signe d’une graduation claire entre auteurs et participants périphériques.
Repères juridiques (utile mais bref)
Violences en réunion avec armes par destination : aggravation de l’infraction malgré une ITT ≤ 8 jours.
Coaction : nécessite des actes (coups, blocage utile aux coups, menace armée) ou un rôle causal direct.
Complicité : aide/assistance rendue en connaissance du dessein (ex. conduire sur les lieux) ; elle n’implique pas d’avoir frappé.
Sursis probatoire : sanction personnalisée avec obligations ; la peine tombera si les obligations ne sont pas respectées.
À retenir
Les images n’expliquent pas tout : elles informent, elles n’établissent pas, à elles seules, la volonté de frapper.
Présence ≠ coaction : sans acte, on ne peut condamner pour violences ; la question devient celle de la complicité et de sa preuve.
Individualisation : un profil inséré, sans antécédents, en retrait des faits, peut conduire à une relaxe partielle et une peine aménagée.
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