Droit des contrats, droit de la consommation: annulation du contrat de fourniture de panneaux solaires

Sud-Ouest 24 mai 2015: Tombés dans le panneau, ils sont reconnus victimes

Un juge bordelais vient d’annuler les contrats conclus par un couple avec un vendeur de panneaux photovoltaïques et une banque

Ils s’estiment victimes. De leur crédulité, peut-être, mais aussi et surtout de manoeuvres frauduleuses. Quand, en 2013, deux habitants de Villenave-d’Ornon (Gironde) ouvrent leur porte à un commercial d’ENR Plus, ils se prennent à rêver. Sur le papier, l’installation de panneaux photovoltaïques et d’un ballon thermodynamique peut rapporter gros lors de la revente à EDF de l’électricité produite. Rassuré par un interlocuteur qui promet de s’occuper de tout, content de faire un geste pour l’environnement, séduit par les promesses de rentabilité, le couple signe un bon de commande ainsi qu’une offre de contrat de crédit à blanc, documents sur lesquels ne figurent pas les modalités de remboursement du crédit ni le TEG. Le cauchemar commence alors. Les panneaux sont posés mais l’installation s’avère truffée de malfaçons (défauts d’implantation, eaux de dégivrage tombant dans un seau, problèmes d’évacuation) et non conforme. Le raccordement au réseau EDF est impossible. Et l’attestation de fin de travaux qu’ils ont renvoyée avant de savoir si leurs panneaux fonctionnaient a pour conséquence de débloquer les fonds qu’ils doivent désormais rembourser tous les mois. Après avoir échangé sur des forums entre personnes victimes de ce genre d’arnaques et écrit en vain à ENR Plus, le couple a pris un avocat. En août 2013, par le biais de Me Julien Plouton, les Girondins ont assigné en justice à la fois le vendeur et le prêteur pour obtenir la résolution judiciaire, en clair l’annulation des deux contrats. Me Plouton a aussi demandé que soit ordonnée la remise en état de la toiture et du local chauffe eau. « Toutes les entreprises de pose de panneaux ne sont évidemment pas à mettre dans le même sac, mais là, c’est clairement un démarchage abusif qui ne respecte aucune disposition légale », dénonce-t-il, s’appuyant sur le Code de la consommation et le Code civil.

Une audience en mars.

La SARL ERN Plus n’était pas présente à l’audience qui s’est tenue en mars devant le tribunal d’instance de Bordeaux. Domiciliée à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), la société affiche un numéro de téléphone qui ne lui est plus attribué. La banque parisienne partenaire du projet, filiale de GDF Suez spécialisée dans la conception et le montage de financements d’équipements améliorant l’efficacité énergétique du logement, était bien représentée. Pour le cabinet de Me Edgard V., les choses sont claires. Le couple a signé l’attestation de fin de travaux et l’établissement bancaire n’avait pas les moyens de vérifier la conformité de l’installation. Il n’est de plus « pas prouvé que le plaignant a signé le contrat de crédit à blanc en n’ayant connaissance qu’a posteriori des conditions financières du prêt ». Les avocats de la banque parlent même de « négligence fautive ». Mais le juge bordelais en a décide autrement. Mi-avril, il a prononcé l’annulation du contrat conclu avec ENR Plus et, à sa suite, celle du contrat souscrit auprès de l’établissement bancaire.

Des mots durs.

Surtout, il a ordonné la remise en état des lieux, notamment la toiture et le chauffe-eau et… exonéré le couple de toute obligation de restitution des fondsempruntés à la banque. « C’est une décision rare et il y a jusqu’à présent trop peu de jurisprudence sur le sujet », se félicite Me Julien Plouton, qui déplore cependant que l’établissement ait fait procéder au fichage du couple pour incident de paiement. Les mots des attendus du jugement sont pesés mais durs. Pour le vendeur des panneaux comme pour la banque qui a fait appel de cette décision. Contactés, ses avocats n’ont pas souhaité donner suite à notre demande de commentaire. Le juge d’instance décrit ainsi « des perspectives de production manifestement grossies », « une rentabilité promise irréaliste », « un déficit d’information » tant sur le recours au credit que sur le coût réel de l’opération, « des manoeuvres déloyales » et voit dans le dossier un vice de consentement, source de nullité. « De telles informations sont incomplètes et trompeuses. Elles sont données par un vendeur professionnel à un acheteur profane, dans des conditions rodées de peser sur la volonté de ce dernier. De telles pratiques utilises induisent l’existence d’un vice de consentement dont il résulte la nullité du contrat », détaille le jugement. La banque – le juge bordelais estime qu’elle a commis une faute – « a participé à ces manoeuvres propres à induire un consentement vicié dans la mesure où elle a détermine les acheteurs à signer une attestation de fin de travaux visant à lui permettre de procéder au versement des fonds au vendeur avant de leur adresser les éléments essentiels de leur engagement de prêt ». Elle n’a, en outre, « pas vérifié la bonne exécution des prestations convenues ». Pour le juge, la banque n’a donc pas à venir réclamer un quelconque remboursement.

Le miroir aux alouettes.

ARNAQUES

Les associations de consommateurs voient augmenter le nombre de dossiers de réclamation.

Les sources de mécontentements et points de litige sont nombreux. Rendements sans commune mesure avec les prévisions avancées par les commerciaux ; installations défectueuses ou hors norme qui ne peuvent être raccordées à EDF ; impossibles mises en service ; crédits de financement lourds et étouffants… Les associations de consommateurs font face ces dernières années à une véritable avalanche de plaintes et de réclamations concernant la pose de panneaux photovoltaïques.

Promesse alléchante.

Ces installations reposent sur un dispositif technologique énergétique à base de capteurs solaires photovoltaïques, destinés à convertir le rayonnement solaire en énergie électrique. Les techniques commerciales qui jouent la fibre écolo pour les vendre sont d’une efficacité redoutable. Car le consommateur peut, par ce biais, revendre l’électricité produite à EDF. Dans un Sud-Ouest ensoleillé, la promesse est alléchante. Beaucoup d’entreprises travaillent dans les règles de l’art dans une filière investie dans la transition énergétique. Mais d’autres ont flairé le bon filon. Selon l’UFC-Que choisir, « il n’y a pas que les plus vulnérables ou les plus âgés qui se font avoir ». Les discours, bien rodés, sont quasiment toujours les mêmes. Les commerciaux promettent une « opération blanche », autofinancée par la vente de l’électricité produite, et proposent de s’occuper de tout. Appâtés, les clients en confiance signent avec leur bon pour accord. Sans lire toutes les clauses et sans comparer ni calculer le coût réel.

Fl. M.

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