Accompagnement, défense et indemnisation des victimes d’inceste

« L’inceste s’attaque aux premiers mots du bébé qui apprend à se situer, papa, maman, et détruit toute la vérité du vocabulaire dans la foulée. »

Christine Angot dans « Le voyage dans l’Est »

 
Alors que parait en salle, le 20 Mars 2024, « Une Famille », le bouleversant Film documentaire autobiographique de Christine Angot, qui interroge la parole au sein d’une famille frappée par l’inceste, nous souhaitions revenir sur ce fait social dramatique par le prisme des combats menés par notre cabinet aux côtés des victimes.
 
La romancière Christine Angot a été l’une des premières a briser le silence avec son livre « L’inceste » paru en en 1999.
 
En janvier 2021, Camille Kouchner publie son livre « la Familia Grande ».  Elle y évoque les viols commis sur son frère jumeaux par son beau-père, politologue reconnu.
 
La publication de ce livre provoquera une onde de choc en France et une prise de conscience du fléau que sont les violences sexuelles incestueuses faites aux enfants.
 
En réaction, le Gouvernement décide de faire de la lutte contre l’inceste et les violences sexuelles subies par des centaines de milliers d’enfants chaque année une priorité nationale.
 
La CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants) est créée.
 
Après 2 ans et demi de travaux et plus de 27 000 témoignages recueillis, elle remet fin novembre 2023 un rapport comprenant 82 préconisations.
 
Ses principales préconisation sont :
  • rendre imprescriptibles les viols et agressions sexuelles sur des enfants.
Actuellement, cette prescription est de trente ans après la majorité de la victime.
  • La mise en place d’une ordonnance de sûreté de l’enfant, calquée sur l’ordonnance de protection pour les femmes victimes de violences.

Cette ordonnance permettrait aux Juges aux Affaires Familiales (JAF) de statuer en urgence en cas « d’inceste vraisemblable ».

  • Le financement par la Sécurité sociale d’un parcours de soins spécialisés en psychotraumatisme pour accompagner les victimes.
 
Sans revenir sur les polémiques liées à sa composition et l’éviction puis la nomination d’un nouveau président, ses pouvoirs ont été récemment étendus à la lutte contre la prostitution des mineurs, à la lutte contre la cyberpédocriminalité et à la protection des mineurs handicapés – davantage soumis au risque d’agressions sexuelles en raison de leur handicap.
 

Notre cabinet, de par son orientation en droit pénal a accompagné de nombreuses victimes d’inceste dans leur long combat judiciaire pour la reconnaissance de leur statut et la condamnation des auteurs.

 
Nous savons combien ce combat est difficile car il nécessite bien souvent d’avoir le courage de briser le silence ou d’aller au-delà d’une omerta qui a été parfois imposée dans le vain espoir de préserver un équilibre familial apparent.
 
Dire l’inceste, c’est donner un grand coup de pied dans la fourmilière familiale, briser le pacte social et bien souvent risquer de passer pour un traître

Parmi les affaires qui nous ont profondément marquées figure notamment ce combat mené pour un frère et une sœur, soutenus par leur maman, après avoir révélé, des années plus tard, avoir été abusé sexuellement et violé par leur grand-père paternel.

 
La révélation de ces faits avait été particulièrement douloureuse et ce d’autant que leur père, refusant de les croire, avait pris le parti de leur grand-père qui s’était muré dans un déni absolu des faits.
 
Avant de les reconnaître pour partie, après avoir été confondu dans le cadre d’une instruction criminelle qui avait révélé l’existence d’autres mineurs victimes, enfants de voisins de quartiers ou d’amis d’un camping fréquenté pendant les vacances estivales.
 
Nous avons accompagné ces jeunes gens tout au long de l’instruction et lors du procès devant la Cour d’assises de la Gironde lors duquel ils se sont constitués partie civile.
 
Lors des débats devant la Cour d’assises, ils ont trouvé le courage d’évoquer, avec dignité et émotion, face aux jurés et en présence de leur grand-père, accusé, les faits que ce dernier leur avait fait subir et l’impact traumatique qui en était résulté.
 
Nous les avons par la suite accompagné dans le cadre de la procédure d’indemnisation de leurs préjudices devant la CIVI.
 
De même que leur mère, qui avait développé un fort sentiment de culpabilité pour ne pas avoir remarqué et pu empêcher les passages à l’acte du grand-père.
 

Les mois ont passé mais notre combat et mobilisation pour les victimes de viols incestueux continue.

 
En ce début du mois de mars 2024, nous étions aux côtés d’une de nos clientes qui était convoquée par un juge d’instruction du Tribunal judicaire de Rouen dans le cadre de sa première audition de partie civile.
 
Le Cabinet accompagne cette jeune femme courageuse qui a su briser ce silence assourdissant qui plane sur l’inceste.
 
Un parcours judiciaire difficile qui a débuté par un dépôt de plainte sur Bordeaux en septembre 2021 contre son frère ainé.
 

L’enquête était au point mort et aucune investigation n’avait été diligentée près de 2 années après le recueil de cette plainte.

C’est dans ces conditions que cette jeune femme nous a contacté et que nous avons relancé l’enquête en alertant le parquet de Bordeaux sur cette inertie inacceptable.

Ce dernier reprenait l’enquête avec transmission au parquet de Rouen pour compétence territoriale compte tenu de la localisation géographique du mis en cause.
 

La procédure aboutissait finalement à l’ouverture d’une information judiciaire et à la mise en examen des chefs de viol et d’agression sexuelle du frère aîné de notre cliente en septembre 2023.

L’information judiciaire se poursuit, avec de nouvelles investigations prochainement prévues.
 

Une autre affaire dans laquelle nous assurons actuellement la défense d’un couple parental illustre parfaitement a quel point les faits d’inceste disloquent les équilibres familiaux et pointe également les limites d’une simple réponse judiciaire.

2 soeurs jumelles ont été victimes pendant des années d’agressions sexuelles et de viols de la part de leur frère ainé.
 
A leur majorité, elles décident de révéler les faits à l’occasion d’une réunion familiale a laquelle participent leurs autres frères et soeurs, leurs parents et le mis en cause qui ne conteste pas.
 
Il est décidé finalement de régler la question en famille.
 
Avant que les victimes ne se ravisent et decident finalement de porter plainte.
 
Ce qui conduit à l’ouverture d’une information judiciaire et à la mise en examen de leur frère pour agression sexuelle et viol incestueux.
 
Mais également a celle de leurs parents notamment pour non dénonciation de crime.
 
Ce qui n’était pas le souhait de leurs filles…
 
Nous assurons la défense de ce père et de cette mère, tiraillés entre leur amour pour leurs filles et les liens avec leur fils.
 
Et qui ont tenté, en vain, à leur manière, de préserver l’équilibre familial.
Et dont le silence initial était motivé par la volonté de ne pas imposer à leurs fille un choix qui n’était pas le leur intialement.
 
Nous avons pu obtenir qu’ils ne soient pas jugés aux cotés de leur fils devant la Cour d’assises mais dans le cadre d’un procès distinct devant le Tribunal correctionnel.
 
Ils interviendront en revanche au procès d’assises de leur fils, en qualité de partie civile, aux côtés de leurs filles.
 
Ce double statut pénal, extrêmement rare car a priori contradictoire, prévenu et partie civile, pour une même affaire, illustre parfaitement, à notre sens, les drames humains et les tiraillements secrets qui se nouent au sein de familles gangrenées par l’inceste.
 
< Retour