Drame de Castillon : de "meurtre en bande organisée" à "violences aggravées", retour sur une victoire procédurale de la défense
- Cabinet Plouton

- 14 juil.
- 4 min de lecture
Dans la nuit du 22 au 23 octobre 2022, une expédition punitive mal préparée s'achevait par la mort d'A F, un jeune homme de 24 ans, à Castillon-la-Bataille. Six individus étaient mis en examen pour des faits d'une extrême gravité, dont meurtre en bande organisée. Saisi par deux des familles, le Cabinet Plouton a mené une défense technique qui a conduit la Chambre de l'instruction de Bordeaux, le 3 juillet 2025, à écarter les qualifications les plus lourdes et à individualiser les responsabilités avant même le procès d'assises.
Les faits : une expédition punitive qui vire au drame
Tout commence par une histoire de rivalité et une agression supposée. À Sainte-Foy-la-Grande, M.M, 18 ans, apprend que sa mère a été menacée. Le sentiment d'injustice et la volonté de répondre déclenchent une spirale qui, en quelques heures, va devenir incontrôlable. Un groupe de six jeunes hommes, pour la plupart à peine majeurs, décide de monter une virée vers la ville voisine de Castillon-la-Bataille. L'objectif : intimider un certain A Z, désigné comme l'auteur des menaces.
La nuit du 22 au 23 octobre 2022, le groupe embarque dans une Fiat 500 volée. Les participants se sont équipés : cagoules, vêtements sombres et, surtout, au moins trois armes à feu. Le périple les mène d'abord devant la résidence de leur cible.
Plusieurs coups de feu sont tirés, en l'air et vers le bâtiment. L'intimidation est chaotique, personne ne sort. Le groupe remonte en voiture et repart. Mais l'expédition ne s'arrête pas là. Quelques minutes plus tard, rue Michel de Montaigne, un nouveau coup de feu est tiré. Cette fois, il traverse la porte d'une habitation et tue A F, un Marocain de 24 ans, totalement étranger au conflit initial. L'équipée s'achèvera par l'incendie du véhicule, place du Foirail à Sainte-Foy-la-Grande, pour effacer les traces. (Sources : France Bleu, Sud Ouest, Sud Ouest)
L'intervention du Cabinet Plouton : une stratégie pour déconstruire les accusations
Face à ce déchaînement de violence, la réponse judiciaire est immédiate et sévère. Une information judiciaire est ouverte pour "assassinat en bande organisée", "tentative d'assassinat en bande organisée" et "association de malfaiteurs". C'est dans ce contexte que le Cabinet Plouton est intervenu pour assurer la défense de deux des mis en cause, M.M et A J S.
Notre stratégie a consisté à déconstruire méthodiquement la lecture initiale du dossier. Par nos mémoires détaillés déposés le 4 juin 2025 et une plaidoirie technique lors de l'audience cruciale du 5 juin, nous avons articulé notre défense autour de plusieurs axes fondamentaux :
Appel des ordonnances de mise en accusation : Dès le 23 avril 2025, nous avons interjeté appel des ordonnances de mise en accusation rendues par le juge d'instruction, qui renvoyaient nos clients devant la Cour d’assises de la Gironde. Ces appels ont été jugés recevables, ouvrant la voie à une réévaluation complète des charges.
Remise en cause de la qualification de “bande organisée” : Nous avons démontré que cette circonstance aggravante, qui suppose une structure hiérarchisée et une préméditation aboutie, ne correspondait pas à la réalité du dossier. Le groupe en cause, formé dans l’urgence et sans cohésion, ne présentait ni organisation, ni plan structuré. La Chambre de l’instruction a fait droit à notre analyse, en infirmant la qualification de “bande organisée” pour les faits de meurtre d’A F et de tentative de meurtre d’A Z.
Individualisation des responsabilités pénales : Refusant toute approche globalisante, nous avons défendu l'idée que M.M ne pouvait être tenu responsable des violences commises par d'autres. Il n’a pas utilisé d’arme à feu, n’a pris aucune part active au tir mortel, et s’est retrouvé dépassé par une situation qu’il ne maîtrisait pas. La Chambre de l'instruction a reconnu cette absence de participation directe, et a ordonné un non-lieu pour M. M concernant l’homicide volontaire d’A F.
Déconstruction de l’intention homicide : Concernant la tentative de meurtre d’A Z, nous avons soutenu l’absence d’intention de tuer de la part de nos clients, soulignant l’existence d’un désistement volontaire. Le groupe a quitté les lieux de son propre chef, ce qui est incompatible avec une volonté homicide. Nous avons également mis en lumière l’absence d’utilisation d’arme par M. M et les déclarations convergentes des mis en cause, évoquant un objectif d’intimidation et non de mise à mort. Ces arguments ont conduit la Chambre à requalifier les faits en violences volontaires aggravées en réunion, écartant la tentative d’homicide volontaire.
Obtention d’un non-lieu pour la destruction du véhicule : Nous avons également obtenu un non-lieu pour M. M dans le cadre de l’incendie de la Fiat 500. La Chambre a estimé que sa participation à cet acte n’était pas caractérisée.
Réduction du périmètre de l’association de malfaiteurs : Si M. M reste poursuivi pour association de malfaiteurs sur la période des 22 et 23 octobre 2022, nous avons obtenu l’annulation de sa mise en accusation pour la période antérieure (du 1er au 22 octobre) pour l’ensemble des mis en cause. Cette décision a permis de resserrer le périmètre des faits reprochés, en écartant toute généralisation abusive.
La décision : une requalification majeure et des résultats concrets
Le 3 juillet 2025, la Chambre de l'instruction de la Cour d'Appel de Bordeaux a largement suivi notre analyse. Dans un arrêt très attendu, elle a écarté la circonstance aggravante de "bande organisée" pour l'ensemble des faits. Une décision qui n'est pas un détail technique : elle change la nature même du crime. La "tentative de meurtre" sur A Z a, elle aussi, été abandonnée au profit d'une qualification de "violences volontaires aggravées en réunion".
Les conséquences pour nos clients sont directes et significatives :
Pour M.M, la Cour a prononcé un non-lieu pour le meurtre d'A F. Il n'est donc plus accusé d'homicide, même si son renvoi devant la Cour d'assises est maintenu pour des délits connexes, dont l'association de malfaiteurs.
Pour A J S, s'il reste accusé d'homicide volontaire avec préméditation, l'abandon de la "bande organisée" réduit considérablement la peine encourue.
Le procès qui se tiendra devant la Cour d'assises de la Gironde n'aura donc pas le même visage que celui initialement dessiné par l'instruction. Moins l'histoire d'un commando criminel que celle d'un groupe de jeunes dont les responsabilités individuelles devront être finement pesées. Une clarification judiciaire essentielle, obtenue en amont du procès, qui illustre le rôle crucial d'une défense technique en matière criminelle réussie par notre cabinet Plouton.
Pour en savoir plus sur notre expertise, consultez nos autres affaires en droit criminel ou contactez notre cabinet.



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