Défense pénale : acquittement partiel obtenu dans l'affaire d'escroquerie internationale de Bergerac
- Julien Plouton - Avocat à la Cour
- 20 janv. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 8 heures
C'est à Bergerac que s'est tenu un procès hors norme concernant un vaste réseau d'escroquerie ayant sévi sur l'ensemble du territoire national et à l'étranger. Du 14 au 16 décembre 2022, le tribunal correctionnel de Bergerac a jugé cette affaire d'envergure internationale dans laquelle notre cabinet est intervenu pour défendre un client accusé de blanchiment.
L'affaire d'escroquerie internationale et notre intervention
Une plainte déposée par une propriété viticole de Dordogne victime de cette escroquerie avait conduit à la saisine des enquêteurs de la Section de Recherche de Bordeaux-Bouliac, spécialisée dans la lutte contre la délinquance économique et financière.
Dans ce vaste dossier d'escroquerie à dimension internationale — touchant le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, l'Italie, l'Algérie et le Maroc — les escrocs avaient ciblé près de 80 sociétés victimes. Ces sociétés ont été délestées d'une large variété de marchandises : gel hydroalcoolique, biscuits, huile d'olive, huile de moteur, climatiseurs, jeux vidéo, papier toilette et denrées alimentaires, pour un préjudice global estimé à plus de 6 millions d'euros.
Le mode opératoire consistait à usurper la raison sociale d'une centrale d'achat reconnue pour démarcher des sociétés fournisseurs, tout en obtenant un paiement différé et en fournissant des documents falsifiés. Les escrocs détournaient au dernier moment les adresses de livraison pour faire livrer les marchandises dans leurs entrepôts, qui servaient de base à leur filière de recel. Des blanchisseurs étaient également utilisés pour transférer les fonds issus de la revente des marchandises et donner à l'opération une apparence légale.
Notre client, résidant sur Paris et bénéficiant de connexions à Dubaï, était plus spécifiquement concerné par cette filière de blanchiment. Notre expertise en droit pénal nous a permis d'analyser précisément son dossier et de préparer sa défense.
Les accusations portées contre notre client
Il lui était reproché des faits de recel de marchandises provenant d'une escroquerie commise en bande organisée, de participation à une association de malfaiteurs, ainsi que de blanchiment aggravé — des infractions relevant du droit pénal des affaires.
Après huit mois de détention provisoire, nous avions obtenu sa remise en liberté via un placement sous contrôle judiciaire et le règlement préalable d'une caution destinée à assurer sa représentation en justice. Cette libération anticipée illustre l'importance de connaître les alternatives à la détention provisoire disponibles.
Notre client avait reconnu sa participation à des transferts d'argent au bénéfice d'une de ses relations commerciales, afin de lui permettre de procéder à l'acquisition de différentes denrées alimentaires (vin, huile d'olive). Les fonds qu'il avait avancés avaient été transférés vers une société italienne. Il avait ensuite été remboursé en espèces, outre le paiement d'une commission par son « partenaire commercial ».
Il avait fait l'objet d'écoutes téléphoniques ainsi que d'investigations patrimoniales et financières particulièrement abouties. Ces écoutes mettaient en évidence l'évocation de nombreux projets de financement, mais la plupart étaient parfaitement invraisemblables et n'avaient manifestement pas abouti.
Notre stratégie de défense et les arguments développés
Dans le cadre de l'audience, nous avons mis en évidence plusieurs éléments à décharge pour sa défense. Il ne connaissait qu'un seul co-prévenu — celui pour le compte duquel il avait réalisé ces transferts d'argent. Les autres protagonistes de cette affaire d'escroquerie lui étaient parfaitement inconnus, ce qui situait son rôle en parfaite périphérie du dossier.
Son intervention s'était limitée par ailleurs à quatre ou cinq versements pour des montants relativement modestes, compte tenu des préjudices avancés par les enquêteurs. Nous avons soutenu et démontré que les enquêteurs avaient totalement extrapolé son rôle sur la base des écoutes et des surveillances téléphoniques.
Ces écoutes mettaient certes en évidence un certain sens de la démesure, mais dépourvu de toute considération pratique, ce qui était de nature à interroger quant à la faisabilité des opérations évoquées et à sa réelle volonté de réaliser de tels projets. Cette analyse approfondie du statut de prévenu nous a permis de mieux cerner les enjeux de sa défense.
Nous avons également soulevé que les faits de recel ne pouvaient lui être imputés. En effet, il n'était jamais entré en possession d'un quelconque bien ayant pour origine les escroqueries dont le tribunal était saisi. Il n'avait d'ailleurs aucunement participé aux actes préparatoires ayant permis la réalisation de ces escroqueries, contrairement aux infractions d'abus de confiance plus classiques.
S'agissant du blanchiment, nous avons souligné son caractère non habituel et l'existence d'un doute quant à sa connaissance de l'origine frauduleuse des denrées alimentaires dont il avait aidé à transférer le produit de revente. Sa participation apparaissait donc très circonstanciée dans cette affaire, à une époque où notre client traversait une période particulièrement difficile tant sur le plan personnel que professionnel.
Une décision juste et proportionnée du tribunal
Le tribunal a tenu compte de ces explications. En effet, malgré ses antécédents judiciaires — dont l'impact sur le casier judiciaire avait été analysé —, il a prononcé à son encontre une peine adaptée à sa personnalité et à son rôle connexe.
Le parquet avait requis six ans de prison ferme avec mandat de dépôt à son encontre. Le tribunal a écarté ces réquisitions parfaitement disproportionnées. Il l'a relaxé des faits de recel et d'association de malfaiteurs et l'a condamné pour les faits de blanchiment à une peine de 12 mois d'emprisonnement, outre une amende délictuelle de 50 000 €.
Cette peine de prison ferme est donc couverte par la détention provisoire qu'il avait effectuée. Il en est de même de la peine d'amende, qui correspond au montant de la caution qu'il a dû verser pour sa remise en liberté. Cette procédure devant le tribunal correctionnel s'est donc conclue de manière favorable.
Nous considérons qu'il s'agit là d'une décision juste et proportionnée. Nous nous félicitons que le tribunal ait eu le courage de faire abstraction de la forte pression exercée dans le dossier par le parquet de Bergerac, qui avait largement médiatisé l'affaire pour obtenir des condamnations particulièrement lourdes et sévères.
Père de 2 enfants en bas âge, notre client reste donc libre à l'issue de l'audience et peut poursuivre son activité professionnelle, puisqu'il est aujourd'hui parfaitement réinséré. Cette issue favorable illustre l'importance d'une défense pénale rigoureuse et adaptée aux spécificités de chaque dossier.
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