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Non-représentation d’enfant : chronique d’une défense face à des accusations

  • Photo du rédacteur: Julien Plouton - Avocat à la Cour
    Julien Plouton - Avocat à la Cour
  • 19 juin
  • 4 min de lecture

Une hache brandie dans un jardin. C’est par cette image qu’une mère a justifié sa décision de ne plus présenter son fils aîné à son père. Confrontés à une accusation d'une telle gravité, la réponse ne pouvait être que judiciaire et stratégique. Ce dossier, au-delà de sa dimension humaine, est une illustration technique de la manière dont la défense doit s’organiser face à un parent qui entrave les droits de l’autre.


Notre intervention : défendre un père face à la rupture du lien

Notre cabinet a été saisi par Monsieur M., un père confronté à une situation humainement et juridiquement complexe. Du jour au lendemain, la mère de ses enfants a refusé de lui présenter leur fils aîné, D., pour son week-end de garde, en se fondant sur des accusations d'une extrême gravité. Notre rôle a été de défendre les droits de ce père et de rétablir le lien avec son enfant.

Les faits et le cadre juridique

La situation prend racine dans la séparation de Monsieur M. et Madame S., avec leurs deux enfants mineurs, D., douze ans, et M., huit ans. Une décision de justice organisait déjà les droits du père. Mais en septembre 2024, un fait nouveau survient : le refus de la mère de confier l'aîné.

Juridiquement, cet acte est susceptible de constituer un délit de non-représentation d'enfant, sanctionné par l'article 227-5 du Code pénal. Face à cette situation, nous avons dû agir en urgence pour notre client. La procédure de divorce étant en cours, nous avons utilisé un levier procédural spécifique : la saisine du Juge de la Mise en État (JME) par le biais de conclusions d'incident, fondée sur l’article 1118 du Code de procédure civile qui permet de modifier les mesures provisoires en cas de « fait nouveau ».

La construction de notre stratégie de défense

L’objectif pour notre client n’était pas l’escalade du conflit, mais le rétablissement du droit et la manifestation de la vérité. Notre stratégie s'est articulée en trois points :

  1. Démontrer l'incohérence des accusations : L'argument principal de Madame S. était le danger que représenterait le domicile paternel. Nous avons souligné une contradiction factuelle majeure : si le danger était réel, pourquoi continuait-elle à confier le plus jeune fils, M., à son père chaque week-end ? Cette incohérence affaiblissait considérablement la crédibilité des accusations.

  2. Établir un contexte d'instrumentalisation : Nous avons rappelé au juge que ce n'était pas la première fois que Monsieur M. faisait face à des accusations de la part de son ex-compagne. Une plainte antérieure pour violences avait été classée sans suite par le Parquet. En produisant cet élément, nous avons pu suggérer un schéma récurrent de comportement visant à nuire à la relation père-fils.

  3. Solliciter une mesure d'instruction objective : Plutôt que de demander une sanction immédiate contre la mère, notre demande principale, fondée sur l'article 1072 du Code de procédure civile, a été d'ordonner une enquête sociale. Cette démarche poursuivait un double but :

    • Montrer notre bonne foi et notre préoccupation pour l'intérêt supérieur des enfants, en demandant une investigation neutre et approfondie.

    • Permettre au juge de se forger sa propre opinion sur la base d'un rapport objectif (analyse de l'environnement matériel et moral des deux parents, recueil de la parole des enfants par un professionnel, etc.), et non sur la seule base d'allégations.

L'audience et la décision : le droit rétabli

L'audience s'est tenue devant le Juge de la Mise en État. Notre argumentation, factuelle et juridique, a porté ses fruits. Le juge, dans sa décision du 12 juin 2025, a relevé que l'audition de l'enfant était « peu éclairante », une formule qui traduit la prudence du magistrat face à une parole potentiellement influencée.

En conséquence, le juge a fait droit à notre demande principale :

  • Il a ordonné une enquête sociale pour éclairer la situation.

  • Surtout, il a ordonné le maintien du droit de visite et d'hébergement du père dans l'attente du rapport, déboutant ainsi la mère de sa tentative de suspendre le lien.

Cette décision est une victoire pour le droit. Elle rappelle qu'un lien parent-enfant ne peut être rompu sur la base d'accusations non vérifiées et que le principe, inscrit à l'article 373-2 du Code civil, est que « chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant ».

Ce qu’il faut retenir

Ce dossier illustre qu'en matière de droit de la famille, face à des accusations graves et à l'instrumentalisation d'un enfant, une défense efficace ne se situe pas sur le terrain de l'émotion, mais sur celui de la rigueur et de la procédure. La clé a été d’analyser les failles de l’argumentaire adverse et de proposer au juge des outils pour objectiver le débat.

Comme l’écrivait Albert Camus : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde. » Notre rôle, en tant qu’avocats, est de nommer les choses avec l’exactitude du droit. Ici, il ne s'agissait pas seulement de « protéger » un enfant, mais de faire respecter le droit d'un père et de préserver un enfant d'un conflit de loyauté destructeur.

Si vous êtes confronté(e) à une situation similaire ou pour toute question, notre cabinet se tient à votre disposition pour analyser votre situation.

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