Le bracelet anti-rapprochement : comment protéger efficacement les victimes de violences conjugales ?
- Julien Plouton - Avocat à la Cour

- 16 sept. 2024
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 oct.

Le bracelet anti-rapprochement (BAR) est un dispositif de surveillance électronique destiné à protéger une personne victime de violences conjugales. Concrètement, il utilise la technologie GPS pour géolocaliser en temps réel un auteur de violences et s’assurer qu’il respecte une distance de sécurité avec la victime.
Mis en place par la loi pour agir contre les violences conjugales et féminicides, ce dispositif a un double objectif : offrir une protection concrète à la personne en danger et contraindre l’auteur à respecter les interdictions judiciaires.
Cet article explique son fonctionnement, les conditions de sa mise en place et les droits de chacun. Si vous êtes victime et avez besoin d'une protection, ou si vous êtes visé par une telle mesure, contactez notre cabinet d'avocats pénalistes à Bordeaux pour une assistance immédiate.
Comment fonctionne le bracelet anti-rapprochement ?
Le dispositif se compose de deux appareils connectés en permanence. L’auteur des violences porte un bracelet électronique à la cheville, tandis que la victime dispose d’un boîtier mobile qu’elle doit garder sur elle.
Le juge définit un périmètre de protection autour de la victime :
Une zone de pré-alerte : si l’auteur y pénètre, il reçoit un appel du centre de surveillance lui demandant de s’éloigner immédiatement.
Une zone d’alerte : si l’auteur franchit cette seconde limite, les forces de l’ordre sont immédiatement alertées pour intervenir et protéger la victime.
La victime peut également utiliser son boîtier pour déclencher une alerte d’urgence grâce à un bouton SOS. Ce dispositif fonctionne 24h/24 et 7j/7. Il est important de noter que son fonctionnement est similaire à d'autres mesures de surveillance électronique comme l'assignation à résidence (ARSE).
Dans quelles situations le juge peut-il imposer le bracelet anti-rapprochement ?
Le bracelet anti-rapprochement peut être ordonné dans un cadre pénal, mais aussi civil. La décision dépend de la nature de la procédure et de l’urgence de la situation.
En matière pénale, le juge peut l'ordonner dans le cadre d’un contrôle judiciaire, avant même un jugement. Il peut aussi le prononcer comme une peine, après une condamnation. Dans ce cas, le consentement de la personne visée n'est pas requis. Le statut de la personne (mis en cause, prévenu ou condamné) est alors déterminant.
En matière civile, le Juge aux affaires familiales (JAF) peut l'ordonner via une ordonnance de protection. C'est une mesure d'urgence pour protéger une victime. L'accord de l'auteur est ainsi nécessaire. S'il refuse, le juge peut transmettre le dossier au procureur, qui pourra ouvrir une enquête pénale et potentiellement l'imposer.
La durée initiale de la mesure est de six mois, renouvelable sans pouvoir dépasser deux ans en procédure pénale.
Le porteur peut-il enlever son bracelet anti-rapprochement ?
Non, il est techniquement impossible de retirer le bracelet sans déclencher une alerte immédiate. Le dispositif est conçu pour résister à toute tentative de sabotage grâce à un double système de sécurité.
Un verrouillage mécanique : La sangle, renforcée et ajustée, est fermée par un système à usage unique. Forcer l’ouverture brise le mécanisme et laisse une trace de sabotage évidente. Seul un agent de l'administration pénitentiaire peut l'ouvrir avec un outil spécial, sur décision du juge.
Un circuit électronique de surveillance : Une fibre optique passe à l'intérieur de la sangle. Si elle est coupée, étirée ou endommagée, le circuit est rompu. Cela envoie instantanément une alerte de "sabotage" au centre de contrôle. De plus, des capteurs détectent si le bracelet n'est plus en contact avec la peau.
Toute tentative d'arrachement est donc détectée en temps réel. Elle est considérée comme une violation grave des obligations judiciaires et peut entraîner une détention provisoire.
Comment la distance d’alerte du bracelet est-elle définie ?
Le juge fixe la distance d’alerte, qui ne peut être inférieure à un kilomètre ni supérieure à dix, comme le précise l'article R. 24-18 du Code de procédure pénale. La zone de pré-alerte est définie comme étant le double de cette distance. Il doit assurer la protection de la victime tout en respectant la vie privée, familiale et professionnelle du porteur.
Le juge prend en compte les lieux de vie et de travail de chacun, ainsi que leurs moyens de transport. L'objectif est de ne pas entraver l'insertion sociale de la personne surveillée.
Si le dispositif génère un nombre excessif d'alertes (par exemple, à cause de trajets professionnels inévitables), les deux parties peuvent demander au juge de réviser les distances. Le juge peut aussi décider de mettre fin à la mesure si elle n'est plus justifiée.
Notre cabinet est à votre disposition pour analyser votre situation et vous conseiller sur la mise en place du bracelet anti-rapprochement. Prenez rendez-vous dès aujourd'hui. |
Questions fréquentes sur le bracelet anti-rapprochement (BAR)
Combien de temps faut-il pour obtenir un bracelet anti-rapprochement une fois la demande faite ?
Les délais varient selon la procédure. En procédure civile (ordonnance de protection), comptez 10 à 20 jours en moyenne : maximum 6 jours pour la décision du juge après l'audience, puis 5 jours pour l'installation technique. En urgence absolue, une ordonnance provisoire peut être rendue sous 24 heures, suivie de l'installation dans les 5 jours. Attention : dans la réalité, des retards sont fréquemment rapportés en raison de la disponibilité des bracelets dans le département, de la charge de travail du SPIP, ou des vérifications techniques nécessaires. Certaines victimes témoignent d'attentes de plusieurs semaines.
Le bracelet anti-rapprochement me coûte-t-il quelque chose en tant que victime ?
Non, le BAR est entièrement gratuit pour les victimes. L'acquisition des dispositifs et le système de surveillance 24h/24 sont financés par l'État français. Vous recevrez gratuitement le boîtier de protection (téléphone avec bouton SOS) et n'aurez aucun frais mensuel à payer. L'aide juridictionnelle est également de droit pour les demandes d'ordonnance de protection, ce qui signifie que l'assistance d'un avocat sera également gratuite si vous en faites la demande.
Concrètement, quelles démarches dois-je faire pour demander un BAR ?
Vous avez deux options. Procédure civile (la plus courante pour les victimes) : remplissez le formulaire CERFA n°15458-07 disponible sur service-public.fr, rassemblez vos preuves (certificats médicaux, SMS, photos, témoignages), et déposez la requête au greffe du Juge aux Affaires Familiales de votre tribunal judiciaire. Vous serez convoqué à une audience dans les jours suivants. Procédure pénale : portez plainte au commissariat ou à la gendarmerie, la plainte sera transmise au Procureur qui décidera des mesures. Dans les deux cas, contactez le 3919 (24/24, gratuit) ou France Victimes au 116 006 : ces associations vous accompagneront gratuitement dans toutes les démarches et pourront vous aider à constituer votre dossier.
Est-ce que je vais me sentir plus stressée avec le bracelet, ou vraiment plus en sécurité ?
C'est une préoccupation très légitime, et les témoignages sont partagés. Certaines victimes se sentent enfin protégées et peuvent "vivre normalement". Mais d'autres rapportent un stress important : le boîtier sonne à chaque franchissement de la zone de pré-alerte (même si votre ex recule ensuite), vous devez porter constamment un objet qui vous rappelle les violences, et les fausses alertes techniques sont fréquentes (5 000 à 7 000 alertes quotidiennes dans le système, dont la majorité sont des pertes de signal GPS). Une victime témoigne : "Ça m'a causé juste plus d'angoisse. J'ai eu envie de laisser tomber." L'accompagnement par une association est donc essentiel pour vous soutenir psychologiquement pendant toute la durée du dispositif. N'hésitez pas à exprimer vos inquiétudes au SPIP et à votre association de soutien.
Le bracelet fonctionne-t-il vraiment ? Y a-t-il des chiffres sur son efficacité ?
Les données sont mitigées. Du côté positif : selon l'administration pénitentiaire, aucune récidive n'a été constatée parmi les porteurs de BAR depuis 2020, et aucune femme protégée par un BAR actif n'a été tuée. Cependant, le système est très sous-utilisé : seulement 770 BAR actifs en février 2025 (en baisse depuis le pic de 1 011 en 2024) pour 33 964 condamnations annuelles pour violences conjugales, soit 2,3% de couverture. Les limites techniques sont importantes : fausses alertes massives (5 000-7 000 par jour), effet "garçon qui criait au loup" (la police prend moins au sérieux les alertes répétées), et plusieurs cas où le système n'a pas empêché des drames parce qu'il n'avait pas été déployé alors qu'il aurait dû l'être (comme le féminicide de Chahinez à Mérignac en mai 2021).
Puis-je voyager, déménager, ou partir en vacances avec le boîtier de protection ?
Oui, vous pouvez vous déplacer librement : le bracelet suit les mouvements de votre ex, pas les vôtres. Vous devez simplement porter le boîtier en permanence (il a l'apparence d'un gros téléphone noir) et le recharger toutes les 48 heures. Vous pouvez voyager en France et théoriquement à l'étranger (le dispositif fonctionne avec le réseau GPS), mais informez le SPIP de vos déplacements prolongés. Pour un déménagement, vous devrez signaler votre nouvelle adresse pour que les zones de protection soient ajustées. Attention : dans les zones sans couverture réseau (2% du territoire, certains parkings souterrains, métros), le GPS peut perdre le signal, ce qui déclenchera une alerte.
Comment se passent les échanges d'enfants avec mon ex si nous avons un droit de visite partagé ?
Le juge aux affaires familiales peut autoriser des présences à des heures et lieux précis, même dans les zones d'alerte, spécifiquement pour les échanges liés aux enfants. Lors de la mise en place du BAR, vous devrez déclarer l'adresse de l'école des enfants comme "zone d'exclusion". Le juge détermine des créneaux horaires pendant lesquels votre ex peut être présent à l'école ou au point de rencontre sans que cela constitue une violation. En pratique, privilégiez des lieux neutres et publics pour les échanges (commissariat, Relais Petite Enfance, lieux d'accueil médiatisés). Ces arrangements doivent être anticipés avec votre avocat et précisés dans la décision de justice. L'association France Victimes peut vous aider à organiser ces modalités pratiques.
En tant que porteur du bracelet, puis-je continuer à travailler normalement ?
Cela dépend de votre profession et de votre lieu de travail. Le juge prend en compte votre situation professionnelle lors de la définition des zones. Vous devez déclarer votre lieu de travail au moment de l'installation, qui sera défini comme "zone d'exclusion". Cependant, certaines professions posent problème : les chauffeurs-livreurs, transporteurs, et personnes utilisant les transports en commun rapportent des difficultés majeures car leurs déplacements imprévisibles déclenchent constamment des alertes. Si vous travaillez dans la même ville que votre ex ou empruntez les mêmes axes routiers, les fausses alertes seront fréquentes. Le bracelet est visible à la cheville (selon vos vêtements) et ne peut jamais être retiré, y compris au travail. En cas de problème, vous pouvez demander au juge une révision des zones, mais le refus de porter le bracelet peut entraîner une révocation et un placement en détention.
Que se passe-t-il si je franchis accidentellement une zone d'alerte sans le vouloir ?
Distinguez la zone de pré-alerte et la zone d'alerte. Si vous entrez dans la zone de pré-alerte (2-20 km), le téléopérateur vous contacte et vous demande de changer de direction. Ce n'est pas une violation si vous obéissez immédiatement. Certains porteurs témoignent de situations absurdes : en transport en commun, lors d'un barbecue chez des amis alors que c'est la victime qui se rapproche, ou simplement en étant chez soi dans une petite ville. Si vous franchissez la zone d'alerte (1-10 km) de manière volontaire, c'est une violation caractérisée : la police est alertée, vous risquez une garde à vue, et le juge peut prononcer la détention provisoire ou révoquer votre contrôle judiciaire. Problème : on ne vous révèle jamais où se trouve la victime, donc vous ne savez pas toujours dans quelle direction partir. Les témoignages montrent que les situations accidentelles sont fréquentes, surtout dans les petites villes ou pour les personnes utilisant les transports publics.



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