Braquage de footballeurs professionnels: Focus sur ce nouveau phénomène à l’occasion d’un procès où la victime est un joueur des Girondins de Bordeaux

Bordeaux : Trois hommes condamnés pour le cambriolage d’un joueur des Girondins - Cabinet J Plouton

 

 

 

 

 

 

Depuis ces dix dernières années, un nouveau phénomène de criminalité voit le jour : les cambriolages, séquestrations ou agressions de joueurs de football.

Il ne se passe quasiment plus une semaine sans qu’un footballeur d’un club professionnel ne soit cambriolé. Payant le prix d’un emploi du temps connu de tous et d’un statut particulièrement envié, les footballeurs sont désormais une cible privilégiée, certains cambrioleurs n’hésitant pas à frapper alors même que les joueurs et leur entourage se trouvent à leur domicile.

La multiplication de ces passages à l’acte qui touche tous les clubs n’est pas propre à la France puisque de nombreux cambriolages ont été recensés en Espagne, en Italie ou au Mexique. La Ligue de Football Professionnel a même organisé deux tables rondes en 2017 sur le sujet.

Depuis ces tables rondes, rien n’a changé et le phénomène tend même à s’amplifier.

Le 5 mars 2020, un joueur du stade rennais était victime d’un cambriolage à son domicile. Le 26 juillet 2020, ce sont deux joueurs du club des Girondins de Bordeaux qui faisaient l’objet d’un braquage alors qu’ils dormaient à leur domicile. Le 14 mars 2021, deux grands du PSG, Angèle Di Maria et Marquinhos étaient victimes, le même soir, d’un « home-jacking ». Le 4 août, plusieurs malfaiteurs s’introduisaient au domicile d’un joueur de l’AS Saint-Etienne. Enfin, le 11 octobre, c’est le domicile d’un joueur de l’OGC Nice qui a était « visité » et le 24 octobre 2021, celui d’un joueur à l’Olympique de Marseille.

Mais comment expliquer cette nouvelle forme de violence contre les joueurs d’un sport populaire suivi par des millions de supporters ?

L’inflation vertigineuse des montants des transferts et des rémunérations des joueurs et l’utra médiatisation qui l’accompagne a pu donner le sentiment au plus grand nombre d’une dé corrélation entre la valeur réelle des prestations sportives et leur rétribution.

Selon une source policière interrogée par le site d’actualité consacrée au football sofoot.com, « il fut un temps où les voyous n’allaient pas cambrioler une personne qui était vénérée. Les joueurs avaient un tel statut d’idole qu’on n’allait pas s’en prendre à eux. Ça a changé avec l’évolution de la société, aujourd’hui, il y a moins de respect par rapport à ça. »

Le footballeur tend ainsi de plus en plus à devenir le symbole, aux yeux de certains, de l’argent facile et pas nécessairement mérité.

Un ancien cambrioleur spécialisé dans les « home-jacking » de joueurs marseillais expliquait ainsi, à l’occasion d’une émission réalisée par BFMTV le 14 juin 2021, que « tout le monde connaît leur salaire. C’est de l’argent facile. On savait qu’on allait trouver de l’argent, des bijoux, des montres, car ils ont les moyens de s’acheter tout ça. »

Le succès de ces professionnels et leur surexposition médiatique nourrit ainsi tous les fantasmes.

Si des réseaux criminels particulièrement organisés ont pu cibler certains joueurs des clubs les plus prestigieux, de nombreux passages à l’acte émanent également de jeunes gens issus de milieux populaires, pouvant graviter dans les cercles de fréquentation de leurs futures victimes et dont le parcours délinquantiel se circonscrit parfois à ce seul acte de violence.

Comment ne pas voir alors dans ce phénomène ce qu’il révèle de fascination et de frustration chez ces jeunes gens pour qui l’ascenseur social est en panne depuis trop longtemps.

Évoluant dans une société de plus en plus fracturée, qui privilégie l’avoir à l’être et où le matraque publicitaire tend à réduire tout citoyen à une simple unité de consommation, leur passage à l’acte marque tout à la fois leur refus d’une assignation au rôle de laissé pour compte de ce système et leur adhésion à ces nouvelles valeurs sociétales.

Le joueur de football professionnel devient alors la victime expiatoire de cette jeunesse en rupture de ban dont il est parfois lui-même issu.

C’était précisément le contexte de l’affaire dans laquelle nous sommes intervenus pour assurer la défense d’un jeune homme renvoyé devant le Tribunal correctionnel du chef de vol avec violence et séquestration avec libération avant le 7ème jour commis au domicile d’un footballeur professionnel du club des Girondins de Bordeaux.

Les faits s’étaient déroulés dans le courant de l’année 2016 et avaient été commis par 5 jeunes gens issus du quartier des Aubiers pour un préjudice de plus de 134.000 euros.

L’un d’entre eux connaissait la victime et s’était déjà rendu à son domicile à l’occasion de soirées organisées par le joueur qui lui avait d’ailleurs offert l’une de ses paires de chaussures.

Travaillant comme réparateur de téléphones portables dans une boutique du centre-ville il avait recruté ses camarades avec qui il partageait une passion commune pour le sport et organisé ce cambriolage au domicile du joueur qui s’y trouvait présent avec des amis.

Les cambrioleurs ont essentiellement dérobé des objets de luxe et vêtements de marque, marquant par la même une volonté d’appropriation de biens leur apparaissant comme les marqueurs d’une réussite sociale leur paraissant hors de portée.

Un butin bien dérisoire par rapport au retentissement psychologique des faits sur les victimes, qui fort heureusement n’ont pas été blessé physiquement,

Notre client comparaissait libre à l’audience après 8 mois de détention provisoire et un long contrôle judiciaire scrupuleusement respecté.

Le tribunal a tenu compte de cette parfaite réinsertion en prononçant à son encontre une peine de 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans assortis d’un sursis probatoire ce qui lui évite une nouvelle incarcération

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