Trafic de cocaïne à Bordeaux: 5 ans de prison au lieu de 8 ans requis par le parquet

Trafic de cocaïne à Bordeaux

 

Notre client est condamné à cinq ans de prison, au lieu des huit années requises par le procureur de la république.

JIRS audience du 14 au 15 Septembre 2023

Il comparaissait en état de triple récidive légale pour des faits de trafic de stupéfiants et d’importation de stupéfiants.

Originaire de Côte d’Ivoire, mais résidant en France depuis plus de 25 ans, « Miguel » était dénoncé par un témoin anonyme. Ce témoin anonyme le désignait comme étant à la tête d’un important trafic de drogue, se déroulant sur Bordeaux, notamment dans le quartier des capucins. Ce témoin anonyme précisait que « Miguel » bénéficiait de l’aide de lieutenants et était à la tête d’une organisation structurée concernant principalement des membres de la communauté africaine et afro antillaise. Il ajoutait qu’une partie de la cocaïne était importée depuis la Guyane via l’utilisation de mules.

Les enquêteurs identifiaient rapidement une des lignes téléphoniques de notre client et le plaçaient sur écoute.

Ces interceptions téléphoniques permettaient de confirmer qu’il était effectivement impliqué dans un trafic de drogue, portant, sur de la cocaïne. Mais quelques semaines à peine après sa mise sous surveillance téléphonique, « Miguel » était arrêté dans le cadre d’un mandat d’arrêt dont il faisait l’objet à la suite d’une précédente condamnation pour trafic de stupéfiants. Il était alors incarcéré dans un centre de détention de la région. Les enquêteurs, qui avaient entre-temps également placé sur écoute téléphonique certains de ses contacts, réalisaient rapidement que cette nouvelle incarcération n’avait pas mis fin à son trafic. Trafic qu’il semblait continuer à géré depuis son lieu de détention en recourant aux services d’une jeune femme et d’un ami de longue date qui aurait joué le rôle de goûteur de cocaïne.

L’accusation lui imputait la livraison de plusieurs kilos de cocaïne et le plaçait clairement comme l’organisateur et le dirigeant de plusieurs revendeurs.

Pour soutenir cette accusation, le ministère public présentait, avec une certaine habilité, quelques écoutes téléphoniques minutieusement choisies parmi des centaines d’autres dans le seul but de faire tenir ce scénario.

En donnant aux conversations entre notre client et ses « amis » une apparence de continuité et de cohérence qui ne  ne résistait pourtant guère à une analyse approfondie des écoutes téléphoniques. 

Les retranscriptions des conversations téléphoniques de notre client et la sonorisation du véhicule de l’un des individus présentés comme son lieutenant faisaient apparaitre un tout autre scénario. A la suite de son incarcération, notre client avait bien contacté des amis à l’extérieur afin de tenter de récupérer de l’argent issu du trafic entreposé à son domicile. Et leur avait transféré ses contacts dans l’espoir de toucher quelques commissions sur les opérations de cession de drogue, car il se trouvait dans un dénuement total sur son lieu de détention.

En réalité, ceux qui étaient présentés comme ses fidèles lieutenants et revendeurs, avaient profité de son incarcération pour développer leur propre trafic de stupéfiants, qui était d’ailleurs préexistant, en reprenant une partie des clients de « Miguel ».

Ce dernier ne touchait qu’une petite commission, le prix de revente étant augmenté de quelques euros par gramme de cocaine. De même et contrairement à ce qu’avait pu soutenir le parquet, il n’y avait dans ce dossier aucune ambiance pesante de menaces ou de pressions qui auraient été exercée par notre client à l’encontre de ses interlocuteurs. Ces derniers apparaissaient plus comme des amis que comme ses subordonnées. 

Leurs échanges mettant en évidence des relations amicales et d’affection. Il était donc surprenant que le parquet et le juge d’instruction ayant rédigé l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel aient cru devoir recourir au champ lexical militaire pour décrire leurs conversations. Il s’agissait là pour nous d’une façon de détourner la réalité de ce dossier afin de coller absolument au scénario pré établi qui avait été livré par le témoin anonyme.

Pour soutenir ses réquisitions de 8 années de prison ferme contre « Miguel » le procureur de la république s’appuyait enfin sur les surnoms utilisés en procédure.

En effet, le domicile de notre client, où s’était manifestement trouvé entreposé une partie de la cocaïne, était surnommé la « maison blanche » et lui même était désigné sous les surnoms de « El Presidente » et « le roi de la coke à Bordeaux« . Ce qui, selon le parquet, était censé souligner l’importance de « Miguel » dans le milieu du trafic de cocaïne à Bordeaux.

Nous avons battu en brèche cette argumentation en citant Alain Mabanckou qui, dans son livre Black bazar, met en scène des personnages d’origine africaine émigrés en région parisienne et dont certains appartiennent à la communauté des Sapeurs (Société des ambianceurs et des personnes élégantes).

Leur sens de l’humour, leur verve et leur art de manier la langue française les conduisant notamment a affubler leurs compagnons de surnoms drolatiques évoquant de façon caricaturale une particularité physique ou un trait de leur caractère. Magnifiant ainsi par la dérision et l’auto dérision des conditions d’existence parfois difficiles. Or, certaines des écoutes téléphoniques de cette procédure mettaient en évidence des échanges entre les différents prévenus de ce dossier qui n’auraient pas dépareillés dans l’ouvrage d’Alain Mabanckou.

Ce qui nous semblait d’ailleurs situer ce dossier a des années lumières d’un trafic d’envergure.

Le Tribunal a semble-t-il était animé par ce souci de cohérence et à su, en tout état de cause,  écarter la construction intellectuelle certes attrayante mais injustifiée du parquet, et redonner à ce dossier de trafic de cocaïne sa juste proportion.

 

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