La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 juin dernier, valide le raisonnement de la cour d’appel de Versailles, consistant à déduire de l’existence d’une adoption, l’impossibilité, pour une femme victime stérile, de se prévaloir d’un préjudice d’établissement tiré de l’impossibilité de fonder une famille.

Cass. 2e civ., 8 juin 2017, n° 16-19.185

Une femme a été exposée in utero au diéthylstilbestrol (DES), à la suite de la prise de distilbène par sa mère au cours de la grossesse. Adulte, elle découvre son infertilité. Elle assigne alors le laboratoire pharmaceutique en réparation de ses préjudices.

La cour d’appel rejetait le principe d’indemnisation du préjudice d’établissement tiré de l’impossibilité de la perte de chance d’avoir des enfants biologiques, aux motifs que le préjudice d’établissement indemnise la perte de chance de réaliser un projet de vie familial. Aussi, constatant que la demanderesse avait eu recours à une procédure d’adoption, elle avait pu réaliser son projet de construire une famille. Ce que la Cour de cassation confirme.

Pour rappel, le préjudice d’établissement est défini par le rapport Dintilhac comme « la perte d’espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale ʺnormaleʺ en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après consolidation : il s’agit de la perte d’une chance de se marier, de fonder une famille, d’élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l’obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial ».

Le projet de décret instaurant une nomenclature des postes de préjudices résultant d’un dommage corporel ne reprend pas les termes de la définition du rapport Dinthillac et abandonne le critère de la normalité.

En effet, dès lors qu’il s’agit d’un poste de préjudice corporel, le dommage subi n’empêchera pas la possibilité de fonder une famille via une procédure d’adoption, il ne peut donc s’agir que d’une impossibilité à la procréation.

La Haute juridiction s’était prononcée favorablement sur l’indemnisation du préjudice d’établissement, d’une personne qui avait déjà eu des enfants nés d’une précédente union mais souhaitait en avoir d’autres avec sa nouvelle compagne (Cass. 2e civ., 15 janv. 2015, nos 13-27.761, 13-28.050, 13-28.211, 14-12.600 et 14-13.107).

La solution aurait-elle été différente, si la requérante avait rencontré un nouveau compagnon, à la suite de l’adoption, et s’ils avaient souhaité ensemble fondé une « nouvelle » famille ?

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