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Notre client relaxé des chefs de faux et d'escroquerie à près de 2 millions d’euros

  • Photo du rédacteur: Julien Plouton - Avocat à la Cour
    Julien Plouton - Avocat à la Cour
  • 21 avr. 2023
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 juin


Tribunal Correctionnel de BASSE-TERRE (Guadeloupe), 28 avril 2023, n°Parquet : 1234500027

Il aura fallu parcourir près de 7 000 kilomètres pour que notre client soit enfin débarrassé de cette épée de Damoclès qui planait au-dessus de sa tête depuis plus d’une décennie, et ainsi lui éviter une condamnation qui aurait pu être très lourde de conséquences.

Un nouveau départ aux Antilles

L’origine des déboires de Monsieur H. avait pourtant tout d’un conte de fées, du moins en apparence. Animé par une volonté de changer de vie et d’horizon, il avait pris la décision en 2009 de quitter la morosité de la région parisienne pour s’expatrier sous le soleil de Guadeloupe afin d'y exercer les fonctions de directeur d’agence bancaire sur la commune de Capesterre-Belle-Eau.

Il gérait alors un portefeuille de plusieurs centaines de clients.

Les pratiques bancaires locales

Très rapidement après sa prise de poste, Monsieur H. a dû faire face aux difficultés inhérentes au système bancaire insulaire et aux délais de traitement extrêmement longs pour les demandes de crédits. Entre les vérifications au siège, l'envoi des documents, la transmission du dossier en métropole pour autorisation et les aléas fréquents, plusieurs mois pouvaient s’écouler avant le déblocage des fonds.

Pour ne pas perdre une clientèle dont les projets financiers se conciliaient difficilement avec un tel manque de célérité, une pratique existait bien avant l’arrivée de Monsieur H. et était encouragée par sa hiérarchie : consentir aux clients des autorisations de découverts exceptionnels en attendant le déblocage effectif des fonds.

L'audit interne et ses révélations

Au cours d’un audit interne réalisé en août 2009, le comité des risques de la banque a constaté plusieurs anomalies :

  • Des encours importants, via des découverts exceptionnels, avaient été accordés à plusieurs sociétés dirigées par un seul et même individu pour l’acquisition de biens immobiliers, sans que les garanties habituelles n’aient été requises.

  • Une manipulation réitérée du fichier informatique du module d’autorisation de découvert a été observée.

  • La procédure de mise à disposition de fonds à des tiers, notamment des notaires, par chèque de banque, n'était systématiquement pas respectée.

Après avoir été informé qu’un audit complémentaire serait mené, les supérieurs de Monsieur H. lui ont demandé de régulariser l’ensemble de ses dossiers. Se sentant abandonné par sa hiérarchie, Monsieur H. n’a eu d’autre choix que de falsifier des documents pour donner un semblant de régularité aux dossiers.

Loin d’être un faussaire hors pair, ses agissements ont été rapidement découverts. Interrogé, il a immédiatement reconnu être l’auteur des faux, ce qu’il confirmera plus tard devant les enquêteurs.

Une procédure judiciaire de plus de dix ans

Suite à une plainte de la banque en 2009, puis une plainte avec constitution de partie civile en 2012, ce n’est finalement qu’en 2022 que Monsieur H. a été renvoyé devant le Tribunal Correctionnel, uniquement pour le chef de faux.

Durant toute la procédure, il a maintenu avoir agi en désespoir de cause, se sentant acculé et délaissé par sa hiérarchie. La banque, de son côté, se prévalait d’un préjudice de près de 2 millions d’euros, correspondant aux fonds consentis sans garantie et jamais recouvrés.

La stratégie de la défense : la prescription

Il était inenvisageable que notre client soit condamné à payer toute sa vie des dommages et intérêts à son ancien employeur. Nous avons donc soulevé devant le Tribunal Correctionnel la prescription de l'action publique et sollicité sa relaxe.

Notre argumentation, jusque-là rejetée, consistait à démontrer qu'aucun acte interruptif de prescription n'avait été valablement diligenté au cours de l'information judiciaire sur une période de plus de trois ans (durée de la prescription délictuelle à l'époque).

Le Ministère Public et la partie civile soutenaient que des commissions rogatoires avaient interrompu la prescription. Nous avons alors démontré que ces actes ne pouvaient avoir cet effet :

Plusieurs juges d’instruction s’étaient succédé dans ce dossier. Or, il apparaissait que l’un d’entre eux n’avait pas été désigné régulièrement ou, à tout le moins, il manquait au dossier des éléments permettant de s’en assurer. À défaut de pouvoir s’assurer de la régularité de la commission rogatoire et de la compétence de l’autorité l’ayant délivrée, aucun effet interruptif ne pouvait résulter de cet acte de procédure.

Le dénouement : la relaxe

Le Tribunal Correctionnel a validé notre argumentation point par point. Il n'a pu que constater l’extinction de l’action publique et, par conséquent, l'abandon des poursuites.

Soulagé par cette décision qui met un terme à des années de procédure, Monsieur H. peut désormais aspirer à une vie plus paisible, loin de ce qui fut pour lui un paradis tropical transformé en enfer.

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