Double tentative d’assassinat: pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’assises de la Dordogne

Cour d’assises d’appel de la Dordogne, 2 au 9 mai 2023.

 

Maître Julien Plouton intervenait en défense aux côtés de ses confrères Edouard Martial et Julie Elduyaen, pour soutenir l’appel de Monsieur P.

Ce dernier avait été condamné par la Cour dAssises de la Gironde à 25 ans de réclusion criminelle, pour une double tentative d’assassinat.

Les faits se sont déroulés le 7 mars 2019 au petit matin, Cours d’Alsace-Lorraine, en plein centre-ville de Bordeaux.

Après une semaine de débats, la Cour d’assises d’appel a confirmé le quantum de la peine prononcée en 1ère instance en maintenant la double qualification pénale de tentative d’assassinat.

Cette décision nous semble contestable en droit raison pour laquelle un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt. 

En effet, bien que la matérialité des faits ne soit pas contestée, un débat important demeure quant à leur qualification pénale.

Une condamnation pour assassinat repose sur la nécessaire constatation de la préméditation des actes commis par l’accusé.

Or, dans ce dossier, il nous semble que celle-ci ne pouvait pas être retenue.

En effet, M. P s’était rendu au domicile de son ancienne compagne dans le but d’en découdre avec celui qu’il avait pris pour son nouveau compagnon mais sans que la moindre intention de commettre un homicide ne puisse lui être imputée avant son arrivée sur les lieux.

S’agissant des faits commis sur son ex compagne dans l’appartement, Monsieur P, bien que muni d’une arme, n’en a jamais fait usage à son encontre alors qu’il avait tout le temps pour le faire.

La qualification de violence (psychologiques) avec arme nous semblait donc devoir être retenue.

S’agissant des faits commis à l’encontre de l’ami de son ex-compagne, la qualification de tentative d’homicide nous semblait plus appropriée.

Monsieur P avait effectivement tiré à deux reprises dans sa direction, alors qu’il se trouvait à courte distance ce qui pouvait caractériser l’intention de tuer. En revanche, il n’en demeure pas moins que la préméditation n’était à aucun moment caractérisée avant l’arrivée de l’accusé sur les lieux.

Le Procureur de la République avait lui-même, dans le cadre de l’instruction, validé cette lecture juridique.

La Cour d’assises d’appel a néanmoins retenue la qualification de double tentative d’assassinat, afin, selon nous, de justifier le prononcé d’une peine d’élimination à l’encontre de l’accusé.

Une telle logique nous semble d’autant plus inadaptée que Monsieur P aurait pu bénéficier de certaines circonstances atténuantes.

 Certes, son casier judiciaire démontrant la réitération d’actes de violence sur ses anciennes compagnes ne plaidait pas en sa faveur. 

Mais la rupture brutale avec sa mère à un très jeune âge, la maltraitance subie des mains de la nouvelle compagne de son grand-père, pouvaient expliquer, à défaut de justifier, l’incapacité de cet homme à construire des relations durables avec les femmes, et surtout, à accepter les séparations.

De manière regrettable, cette peine s’inscrit dans la logique de notre système judiciaire actuel, qui en matière criminelle notamment, privilégie quasi systématiquement des peines extrêmement lourdes dépourvues de toute notion de réinsertion.

Son quantum est dans la fourchette des peines qui sont généralement prononcées dans des dossiers où la victime a perdu la vie, ce qui n’était aucunement le cas en l’espèce.

Or une telle peine, prononcée contre un homme encore jeune et qui bénéficiera nécessairement un jour d’une remise en liberté, risque de générer, de par sa disproportion, un sentiment de rancune et de frustration.

Qui risque « d’infuser » pendant ces longues années….

La peine doit certes avoir une dimension punitive mais viser également la prévention d’une éventuelle récidive et la réinsertion du condamné.

Ainsi, les décisions de justice les plus efficaces sont souvent celles qui sont acceptées et comprises par les personnes contre lesquelles elles sont prononcées ce qui nécessite qu’elles soient, a minima, dotées d’une certaine cohérence.

Pour un autre exemple de pourvoi en cassation contre des arrêts de cour d’assises: https://www.jplouton-avocat.fr/actualites-du-cabinet/cour-dassises-cassation-remise-liberte

Découvrez le dossier de presse sur cette affaire : 

 

 

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