Trafic de stupéfiants dans la cité des écus au Bouscat : la ruche 33110 n’est pas un nid de frelons

Trafic de stupéfiants dans la cité des écus : 3 ans ferme (5 ans dont 2 ans assortis d’un sursis probatoire) au lieu de 6 ans requis par le parquet, pour le gérant du point de deal.

Tribunal correctionnel de Bordeaux, JIRS, audience du 12 et 13 Octobre 2023

Découvrez l’article consacré à cette affaire par Le Figaro ainsi que des extraits de la plaidoirie de Maître Plouton 


Comme souvent dans les affaires de trafic de drogue, c’est un renseignement anonyme qui a mis les enquêteurs sur la piste du trafic de stupéfiants qui se déroulait en plein cœur de la cité des écus située sur la paisible commune du Bouscat, à proximité de Bordeaux. 

Le renseignement anonyme était relativement précis. Il donnait l’identité ou le surnom de trois individus présentés comme étant à la tête de ce trafic et le rôle occupé par chacun d’entre eux. Les enquêteurs procédaient rapidement à des surveillances et à la sonorisation de deux véhicules qui étaient utilisés par notre client. Ce dernier était désigné par le témoin en anonyme, comme étant le gestionnaire du point de deal. Ces sonorisations téléphoniques permettaient rapidement d’établir la réalité de ce trafic et son organisation. Une vague d’interpellation était donc déclenchée.

Elle permettait l’arrestation et le placement en garde à vue d’une douzaine d’individus et la saisie d’importantes sommes d’argent en numéraire, d’armes et de produits stupéfiants (cannabis et cocaïne).

Les écoutes téléphoniques mettaient en évidence que le trafic reposait sur l’utilisation de lieux de stockage pour le produit et l’argent, de recharges régulières du point de vente et l’utilisation de jeunes gens comme vendeurs au détail et guetteurs au sein de la cité. Mais, comme relevé par le président du Tribunal correctionnel lors de l’audience de jugement, la particularité de cette affaire ne résidait pas dans le fait qu’elle concerne un trafic au sein d’une cité.

Le tribunal correctionnel a en effet déjà jugé des dossiers similaires et notamment le procès du trafic de stupéfiants de la cité, Maurice Thorez à Bègles, ou nous étions intervenus pour assurer la défense d’un des principaux protagonistes de l’affaire.

La singularité du dossier résidait plutôt dans le fait que la procédure avait permis de mettre en évidence le recours par les trafiquants, à des pratiques de vente très proche du marketing et de la publicité via l’utilisation notamment des réseaux sociaux. Ainsi, l’exploitation des téléphones portables saisis révélait que trois lignes Telegram avaient été utilisées pour gérer le trafic. Dont l’une était entièrement dédiée à la vente de cocaïne. Et que les organisateurs du trafic n’hésitaient pas à lancer de véritables campagnes publicitaires mettant en avant la qualité des produits, la possibilité de remises en fonction du volume de la commande passée, ou organisaient des jeux concours avec remise de T-shirts à l’effigie du réseau la ruche 33. Des flyers publicitaires avaient également été saisis en grande quantité de même que des emballages utilisés pour la revente au détail, qui de par leur graphisme et les couleurs chatoyantes utilisées n’auraient pas dépareillés dans une confiserie.

Le procès était donc aussi l’occasion de s’interroger sur l’impact délétère que peut avoir un modèle sociétal où règne le culte de l’argent et dans lequel la valeur cardinale d’un individu semble réduite à sa capacité à consommer.

Un tel modèle sociétal induit nécessairement une perte de valeurs morales et de repères. La réification des relations humaines conduisant à un nivellement par le bas où chaque objet/denrée produit est réduit à sa capacité à générer un profit en cas de revente indépendamment de son origine, de ses conditions de production, de son caractère légal ou illicite et de sa potentielle nocivité sur la santé humaine. Rien d’étonnant donc à ce que les trafiquants de stupéfiants aient désormais recours à des techniques de marketing et de ventes s’inspirant directement du monde publicitaire et dont l’effet est particulièrement dévastateur de par leur diffusion à grande échelle via l’utilisation des réseaux sociaux. Les écoutes téléphoniques mettaient également en évidence s’agissant notamment de notre client, ce que Laurent GAUDE a pu qualifier dans l’un de ses ouvrages de « la gifle des pauvres ». Soit cette impérieuse nécessité de posséder, de consommer, qu’induisent nécessairement des conditions d’existence difficiles et un certain sentiment d’urgence.

En effet, dans le cadre de discussions avec ses « amis », notre client évoquait largement ses angoisses, ses doutes. Et envisageait d’arrêter ses activités illicites pour se lancer dans une activité commerciale parfaitement régulière.

Issu d’un milieu social particulièrement modeste, exposé à la violence de son père puis de son beau-père, il avait été profondément marqué par l’expulsion par voie d’huissier de justice du domicile familial à la suite d’une procédure judiciaire en résiliation de bail pour des dettes loyers accumulées par sa mère. Ce qui l’avait conduit a devoir assurer son autonomie de façon brutale et anticipée, sa mère n’ayant pu retrouver qu’un logement de taille plus modeste qui ne lui permettait plus d’accueillir son fils ainé. 

S’agissant du dossier, nous avons largement combattu la construction intellectuelle faite par les enquêteurs et le magistrat instructeur qui consistait à attribuer à notre client un rôle prépondérant dans le trafic. Celui de gestionnaire du réseau et du point de deal. Ce qu’il avait d’ailleurs reconnu sur la base de quelques écoutes téléphoniques, savamment sélectionnées mais qui à notre sens ne reflétaient pas la réalité de ce dossier. Une analyse exhaustive des retranscriptions des conversations téléphoniques et des sonorisations des véhicules révélait plutôt l’existence de relations horizontales entre les différents membres du réseau. Ce dernier échangeait ainsi avec d’autres individus qui lui donnaient des conseils ou des directives, quant à la recherche du point de vente, la rémunération des vendeurs ou encore les emplacements stratégiques pour les guetteurs.

S’agissant enfin la ligne TELEGRAM dédiée à la revente de cocaïne, dont la gestion lui était attribuée, l’analyse des Fadettes et de la géolocalisation mettait à notre sens en évidence que d’autres individus s’étaient trouvés derrière cette ligne. Qui avait notamment été utilisée pour publier des messages retenus en procédure au moment des interpellation, indiquant que le point de deal ne fermait que pour quelques jours et allait rouvrir quelques jours plus tard encore plus fort. Or, à la date de la diffusion de ce message, notre client était déjà en garde à vue….. Nous avons donc demandé au tribunal de tenir compte de ces éléments et de l’absence de violence ou de climat d’intimidation entre membres du réseau dans un dossier local dénué de toute importation de stupéfiants. Et de replacer notre client a sa juste place, ce dernier n’ayant pas à supporter le poids de l’absence d’un co prévenu ni à assumer pénalement de faits qu’il n’avait pas commis.

C’est précisément sur le terrain de la cohérence que la juridiction de jugement a souhaité se placer, en écartant les réquisitions de 6 années de prison prises à l’encontre de notre client par le procureur de la république pour y substituer une peine mixte de 5 années de prison dont 2 années assorties d’un sursis probatoire. Ayant d’ores et déjà effectué 18 mois de détention provisoire, ce dernier peut donc solliciter dés à présent un aménagement de sa peine et sa remise en liberté, à charge pour lui de produire devant le juge de l’application des peines un projet de sorite cohérent.

Découvrez l’article consacré à cette affaire par Le Figaro ainsi que des extraits. de la plaidoirie de Maître Plouton 

 

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