Directeur d’agence bancaire relaxé après une plainte pour escroquerie

 

Notre client relaxé des chefs de faux et escroquerie à prés de 2 millions d’euros.

 

Tribunal Correctionnel de BASSE-TERRE (Guadeloupe), 28 avril 2023, n°Parquet : 1234500027

 

Il aura fallu parcourir près de 7.000 kilomètres pour que notre client soit enfin débarrassé de cette épée de Damoclès planant au-dessus de sa tête depuis plus d’une décennie.

Et ainsi lui éviter une condamnation qui aurait pu être très lourde de conséquences…

L’origine des déboires de Monsieur H. avait pourtant tout d’un conte de fée, du moins en apparence.

Animé par une volonté de changer de vie et d’horizon, il avait pris la décision en 2009 de quitter la morosité de la région parisienne pour s’expatrier sous le soleil de Guadeloupe.

Pour y exercer les fonctions de directeur d’agence bancaire sur la commune de Capesterre-Belle-Eau.

Il gérait un portefeuille de plusieurs centaines de clients.

Très rapidement après sa prise de poste, Monsieur H. devait déplorer les difficultés inhérentes au système bancaire insulaire et aux délais de traitement extrêmement longs s’agissant des demandes de crédits.

Entre les vérifications au niveau du siège, l’envoi des documents pour constituer le dossier de crédit, la transmission du dossier en métropole pour autorisation et les aléas trop souvent rencontrés, plusieurs mois pouvaient s’écouler entre la demande du client et le déblocage des fonds.

Au risque de perdre une clientèle dont les projets financiers se conciliaient difficilement avec un défaut de célérité.

Aussi, une pratique mise en œuvre bien avant l’arrivée de Monsieur H. et encouragée par sa hiérarchie, consistait à consentir aux clients des autorisations de découverts exceptionnels.

Dans l’attente du déblocage effectif des fonds….

Au cours d’un audit interne réalisé en août 2009 par le comité des risques de la banque, il avait été constaté que, de manière anormale, des encours importants, au travers des découverts exceptionnels, avaient été accordés à plusieurs sociétés dirigés par un seul et même individu.

Ce pour l’acquisition de plusieurs biens immobiliers, sans que les garanties habituelles n’aient été requises.

Il était également observé une manipulation réitérée du fichier informatique du module d’autorisation de découvert.

En violation des pouvoirs de délégation consistant en une pratique courante d’inscription de multiples autorisations avec prorogations successives de plafonds de découverts.

Enfin, l’audit avait également mis en évidence un non-respect systématique de la procédure de mise à disposition de fonds à des tiers, notamment des notaires, par chèque de banque.

Après avoir été informé qu’un audit complémentaire serait mené au niveau du siège en métropole, les supérieurs directs de Monsieur H. lui avait demandé de régulariser l’ensemble de ses dossiers.

Se sentant complètement abandonné par sa hiérarchie, Monsieur H. n’avait eu d’autre choix que de falsifier des documents afin de donner un semblant de régularité aux dossiers de crédit qu’il avait constitué.

Loin d’être un faussaire hors pair, l’audit complémentaire avait rapidement découvert les agissements de Monsieur H.

Qui, interrogé sur les irrégularités constatées, avait immédiatement reconnu être l’auteur des faux, ce qu’il fera également devant les enquêteurs après la plainte déposée par la banque en 2009 du chef d’escroquerie, faux et usage de faux.

A défaut de suite donnée par le Parquet, la banque saisissait un magistrat instructeur d’une plainte avec constitution de partie civile en 2012.

Ce n’est in fine qu’en 2022, soit plus d’une décennie après les faits reprochés, que Monsieur H. était renvoyé devant le Tribunal Correctionnel du seul chef de faux.

Infraction qu’il avait reconnu tant devant les enquêteurs que devant le magistrat instructeur.

Précisant que, se sentant acculé et délaissé par sa hiérarchie, il avait effectué des faux, en désespoir de cause.

La banque se prévalait d’un préjudice de près de 2 millions d’euros.

En raison des fonds consentis sans garantie et qui n’avaient, selon elle, jamais pu être recouvrés.

Il n’était pas envisageable que notre client soit reconnu coupable et in fine condamné à payer toute sa vie des dommages et intérêts à son ancien employeur.

Nous avons donc soulevé devant le Tribunal Correctionnel la prescription de l’action publique.

Et sollicité la relaxe de notre client.

En produisant des conclusions écrites reprenant une argumentation qui avait été jusque là rejetée par le Ministère Public et le magistrat instructeur au cours de l’information judiciaire.

Il s’agissait de démontrer qu’aucun acte interruptif de prescription n’avait été diligenté au cours de l’information judiciaire sur une période d’au moins trois ans, durée de la prescription délictuelle à l’époque des faits.

Le Ministère Public et la partie civile soutenaient au contraire que plusieurs commissions rogatoires avaient été prises par le juge d’instruction.

Ce qui aurait interrompu le jeu de la prescription.

Nous avons alors soutenu que ces commissions rogatoires ne pouvaient se voir reconnaître un effet interruptif de prescription.

En effet, plusieurs juges d’instruction s’étaient succédés dans ce dossier au cours des dix années d’information judiciaire.

Or, il apparaissait que l’un d’entre eux n’avait pas été désigné régulièrement ou qu’à tout le moins, il manquait au dossier des éléments permettant de s’en assurer.

Aussi, à défaut de pouvoir s’assurer de la régularité de la commission rogatoire et de la compétence de l’autorité l’ayant délivrée, aucun effet interruptif ne pouvait résulter de cet acte de procédure.

Le Tribunal Correctionnel a validé point par point notre argumentation.

Et n’a dès lors pu que constater l’extinction de l’action publique et par là-même l’abandon des poursuites.

Soulagé par cette décision mettant un terme à des années de procédure, Monsieur H. peut désormais aspirer à mener sa vie plus paisiblement, loin du paradis des tropiques qu’il a cru pouvoir se transformer en enfer.

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