Instruction criminelle pour coups mortels : Le cabinet obtient l’annulation du rapport du médecin légiste

Chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Bordeaux, arrêt du 27 septembre 2018 

Dans cette affaire, notre cabinet est saisi de la défense d’une femme qui, après avoir subi à son domicile les assauts violents de son ancien compagnon, devait se saisir d’un couteau de cuisine et lui porter un coup pour tenter d’échapper à son assaut.

Ce dernier devait décéder quelques instants plus tard.

Une information judiciaire était ouverte sous la qualification d’homicide volontaire (meurtre).

Notre cliente était finalement mise en examen sous la qualification plus restreinte de coups mortels, le magistrat instructeur ayant écarté l’intention de tuer.

Dans le cadre de l’information judiciaire, le rapport d’autopsie réalisé par le médecin légiste était versé au dossier.

Les termes de ce rapport ne manquaient pas d’attirer notre attention dans le mesure où le médecin légiste se permettait en complément de son analyse médico légale, des appréciations purement subjectives ne relevant pas de son champ de compétence et pouvant avoir une incidence sur la qualification pénale de l’infraction pouvant in fine être retenue.

Le cabinet déposait donc une requête en nullité dans les 6 mois de la mise en examen de notre cliente.

Etait soulevé le fait que l’expert, en allant sur le terrain du subjectif et de la psychologie de l’auteur en utilisant notamment le terme de « détermination » pour évoquer le coup porté, était manifestement sorti du cadre de sa mission qui doit se cantonner à une analyse médico légale (C.cass. 9 juillet 2003, n°03-81.944), un tel dépassement de mission étant analysé comme un manquement à son obligation d’impartialité (Cass, Crim. 23 janvier 2018, n°16-85523).

L’analyse plus précise des conditions dans lesquelles l’autopsie avait été effectuée nous permettait également de nous apercevoir, à notre plus grand étonnement, que cette autopsie avait été réalisée en dehors de tout cadre légal soit en l’espèce près de 24 heures avant des réquisitions du parquet sollicitant la réalisation d’un tel acte.

Or, selon la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (cass.crim 28 octobre 1987, n°87-81138), les « personnes qualifiées » doivent avoir reçu, pour procéder à un examen technique ou scientifique, et au préalable, réquisition d’un officier de police judiciaire ou du Procureur de la République afin de réaliser la mission confiée ».

Au regard de ces éléments, la chambre de l’instruction n’avait pas d’autre solution que de prononcer la nullité du rapport d’expertise de Monsieur Z et celle des pièces subséquentes dont il est le support dans les conditions mentionnées au dispositif ci-dessous.

La Chambre de l’instruction a fait droit à notre moyen relatif à l’absence de réquisitions préalables du parquet sans examiner notre second moyen relatif à l’impartialité de l’expert.

Faut-il y voir une volonté de ne pas offenser un auxiliaire de justice intervenant régulièrement dans les procédures criminelles ?

Toujours est-il qu’à défaut d’avoir été sanctionné directement par la nullité du rapport, ce sont bel et bien les termes litigieux employés par l’expert qui nous ont amené à détecter l’irrégularité procédurale qui in fine a été validé par les magistrats de la chambre de l’instruction.

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