Instruction criminelle : remise en liberté de notre client après l’annulation de l’ordonnance de prolongation automatique de sa détention provisoire. Une première à BORDEAUX !

Arrêt du 6 mai 2020, Chambre de l’Instruction près la Cour d’Appel de BORDEAUX, n°2020/00399

6 mois de détention provisoire supplémentaire en un seul clic …

« Nous n’assistons pas à la fin naturelle d’une grande civilisation humaine, mais à la naissance d’une civilisation inhumaine qui ne s’aurait s’établir que grâce à une vaste, à une immense, à une universelle stérilisation des hautes valeurs de la vie.
Un monde gagné par la Technique est perdu pour la Liberté »
Georges BERNANOS, La France contre les robots, 1947

En date du 19 avril 2019, Monsieur B. est mis en examen du chef de tentative de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs, et placé en détention provisoire.

Le 6 avril dernier, alors qu’une audience relative à l’éventuelle prolongation de sa détention provisoire est prévue quelques jours plus tard, le juge des libertés et de la détention annule purement et simplement le débat contradictoire, sans aucune explication.

En suivant, une ordonnance de prolongation automatique de sa détention provisoire est prise sur le fondement de l’article 16 de l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Monsieur B. voyait ainsi sa détention provisoire prolonger d’une durée de 6 mois. Sans avocat, sans accès au juge, sans débat contradictoire, sans même la possibilité de faire valoir le moindre argument, ce alors même que, présumé innocent, il était déjà détenu depuis près d’un an.

Le Cabinet interjette immédiatement appel de l’ordonnance de prolongation de plein droit de la détention provisoire afin de solliciter son annulation devant la chambre de l’instruction et la remise en liberté immédiate de notre client.

Petite explication juridique.

La détention provisoire doit toujours demeurer l’exception et la liberté le principe, compte tenu notamment de la présomption d’innocence, principe cardinal de la procédure pénale.

Aussi, le droit français prévoit, qu’à intervalles réguliers (intervalles dépendants de l’infraction reprochée), le juge des libertés et de la détention examine la situation du mis en examen afin de prolonger ou non sa détention provisoire dans le cadre d’un débat contradictoire, permettant l’exercice des droits de la défense et l’accès au juge.

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en lien avec l’épidémie du Covid-19, l’ordonnance du 25 mars 2020 est venue modifier les règles de procédure pénale et notamment l’article 16 de ladite ordonnance qui prévoit que « les délais maximums de détention provisoire sont prolongés de plein droit » de deux ou trois mois en matière correctionnelle et de six mois en matière criminelle.

En l’espèce, le juge des libertés et de la détention croyait pouvoir se fonder sur cette disposition pour prolonger automatiquement la détention provisoire de notre client.

Telle n’était pas l’interprétation que nous avions de l’ordonnance susvisée.

L’interprétation littérale de l’article 16 susvisé concerne uniquement les délais plafonds de détention provisoire c’est-à-dire le délai à l’expiration duquel il n’est plus possible de prolonger la détention provisoire et non la durée d’un titre de détention en cours et dont le délai butoir ne serait pas atteint, ce qui n’était pas le cas de Monsieur B. dont la durée maximale possible de détention provisoire était de 4 ans alors qu’il était détenu depuis un an.

En effet, l’ordonnance du 25 mars 2020 prévoyait, même durant la crise sanitaire actuelle, le maintien des débats contradictoires en vue d’une éventuelle prolongation de détention provisoire, en fixant des modalités allégées en son article 19 avec notamment la mise en place d’une audience en visioconférence ou a minima une procédure écrite permettant à la Défense de présenter ses observations.

La prolongation de la détention provisoire de Monsieur B. avait dès lors été ordonnée en violation du droit d’accès au juge, du principe du contradictoire et des droits de la défense, de sorte qu’il convenait d’annuler l’ordonnance de prolongation et de remettre en liberté le mis en examen.

La chambre de l’instruction décidait de faire respecter les grands principes de notre droit (respect du contradictoire, droit d’accès au juge, respect des droits de la défense) et ordonnait la remise en liberté de notre client.

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