Présentation de la Réforme de la prescription pénale

La loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription de l’action publique en matière pénale a été adoptée par le Parlement.

Cette dernière est basée sur une proposition de loi déposée par Messieurs les députés George Fenech et Alain Tourret le 1e juillet 2015.vLe premier apport majeur de cette réforme tient à la durée de la prescription publique (I), le second porte sur le point de départ du délai de prescription de l’action publique (II) et enfin le dernier concerne l’interruption et la suspension de ce délai (III).

1/ La durée de la prescription de l’action publique

La loi nouvelle est venue doubler les délais de prescription de l’action publique : alors que sous l’empire de la loi ancienne le délai était de 3 ans pour les délits et de 10 ans pour les crimes, la prescription publique est aujourd’hui portée à 6 ans en matière de délit (article 8 du Code de procédure pénale) et 20 ans en matière de crime (article 7 du Code de procédure pénale).  S’agissant des contraventions le délai est toujours d’un an (article 9 du Code de procédure pénale).

S’agissant des délits commis à l’encontre des mineurs, la loi n’a pas apporté de modification :

Le délai de prescription est de dix ans pour les délits de l’article 706-47 du Code de procédure pénale à l’exception ceux mentionnés aux articles 222-29-1 et 227-26 du code pénal :

Les délits visés sont le délit et crimes de traite des êtres humains à l’égard d’un mineur ; le délit et crime de proxénétisme à l’égard d’un mineur ; le délit de recours à la prostitution d’un mineur ;  le délit de corruption de mineur ; le délit de proposition sexuelle faite par un majeur à un mineur de quinze ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique ; le délits de captation, d’enregistrement, de transmission, d’offre, de mise à disposition, de diffusion, d’importation ou d’exportation, d’acquisition ou de détention s’image ou de représentation pornographique d’un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d’un paiement d’un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ; le délit de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur et enfin le délit d’incitation d’un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation.

Par un ailleurs un délai de 20 est prévu pour le délit de violence ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jour à l’encontre d’un mineur (article 222-12 du Code pénal), mais également le délit d’agressions sexuelles autres que le viol imposées à un mineur de quinze ans (article 222-29-1 du Code pénal) et  le délit d’atteinte sexuel sur mineur de 15 ans, lorsqu’il est commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime, lorsqu’il est commise par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions, lorsqu’il est commise par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice, lorsqu’il s’accompagne du versement d’une rémunération (article 227-26 du Code pénal)

Pour le viol, le délai de prescription de l’action publique est le nouveau délai de prescription des crimes soit 20 années.

Enfin les crimes de génocide et contre l’humanité sont toujours imprescriptibles comme sous l’empire de la loi ancienne.

2/ Le point de départ de la durée de prescription de l’action publique

Le principe selon lequel le point de départ de la prescription court à compter de la commission des faits est à nouveau affirmé, cependant la loi prévoit des exceptions de deux ordres, s’agissant d’une part des infractions occultes ou dissimulées et d’autre part des infractions commises à l’encontre des mineurs.

En ce qui concerne les infractions occultes ou dissimulées : sous l’empire de la loi ancienne, il y avait régime établie par jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, notamment dans l’arrêt du 7 février 1997 en vertu duquel le point de départ du délai de prescription courrait à compter du jour où l’infraction était apparue et avait pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique.

La loi nouvelle vient entériner ce régime en affirmant à l’article 9-1 alinéa 2 du Code de procédure pénale,  que « par dérogation au premier alinéa des articles 7 et 8 du présent code, le délai de prescription de l’action publique de l’infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique ».

Par ailleurs, la loi nouvelle prend soin de définir l’infraction occulte et l’infraction dissimulée à l’alinéa 3 de l’article 9-1 du Code de procédure pénale :

  • est occulte l’infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l’autorité judiciaire.
  • est dissimulée l’infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte.

Ces dispositions ne sont pas synonymes d’imprescriptibilité puisque la loi va au delà du régime jurisprudentiel en imposant des délais buttoirs (article 9-1 alinéa 2 du Code de procédure pénal). A cet égard en matière délictuel le délai est de 12 ans et en matière criminelle de 30 ans. Ce délai commence à courir au jour de la commission des faits.

Par ailleurs, le législateur a pris des dispositions transitoires à l’article 4 de la loi  portant réforme de la prescription pénale, en indiquant que « la présente loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise ».

Cette précision est nécessaire au regard de l’article 112-1 du Code pénal qui prévoit l’application rétroactive des lois pénales plus douces aux infractions non encore définitivement jugées.

Concrètement, lorsqu’une infraction a été commise avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et que des poursuites ont valablement été déclenchées, alors cette infraction ne pourra être poursuivie sous l’empire de la loi nouvelle, le délai buttoir ne pouvant s’appliquer.  A contrario, la loi nouvelle et l’instauration du délai buttoir peuvent donc avoir pour effet de prescrire des infractions qui au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, n’avaient pas valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique.

Par conséquent, il y a lieu de préciser qu’en l’absence de mise en mouvement de l’action publique les délais buttoirs s’appliquent.

La seconde exception au report du point de départ du délai de prescription se trouve dans les infractions commises à l’encontre des mineurs : la loi nouvelle n’apporte pas de nouveauté sur la durée de ces délai mais vient inscrire de façon générale le principe selon lequel le point de départ de la prescription court à compter de la majorité du mineur (article 9-1 du code de procédure pénale ). Cette affirmation vient mettre fin à l’éparpillement législatif qui existait sous l’empire de la loi ancienne.

S’agissant du régime de cette loi, il convient de préciser qu’en vertu de l’article 112-2-4° du Code pénal les lois de prescriptions sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur. L’application immédiate d’une loi nouvelle relative à la prescription dépend d’une seule condition qui est de savoir si au moment de son entrée en vigueur la prescription de l’action publique était ou non acquise. En effet, une loi nouvelle ne saurait faire revivre une prescription légalement acquise. En revanche, si la prescription de l’action publique n’était pas acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi, la loi nouvelle s’applique peu importe qu’elle allonge ou réduise les délais de prescription. Pour savoir si la prescription est acquise, il convient de se placer sous l’empire de la loi ancienne.

3/ L’interruption et la suspension du délai de prescription

Le calcul du délai de prescription de l’action publique peut subir des interruptions. L’interruption signifie que le délai s’arrête et repartira à zéro à compter de l’acte interruptif.  

Jusqu’à présent le Code de procédure pénale à l’article 7 se contentait de prévoir que l’acte interruptif de prescription était un acte de poursuite ou d’instruction. Cela avait conduit la doctrine et la jurisprudence à se pencher sur la notion et le contour des actes interruptif de prescription. Dans un premier temps le critère était organique (l’acte était interruptif dés lors qu’il émanait du parquet ou du juge d’instruction puis dans un second temps la jurisprudence s’est attaché au but de l’acte (ce dernier devait avoir pour objet la poursuite).

Désormais le législateur, est venue à l’article 9-2 du Code de procédure pénale dresser une liste des actes interruptif :

  • Tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l’action publique,
  • Tout acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction,
  • Tout acte d’instruction prévu aux articles 79 à 230 du présent code, accompli par un juge d’instruction, une chambre de l’instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction,
  • Tout jugement ou arrêt, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité,
  • Tout acte, jugement ou arrêt mentionné aux 1° à 4° fait courir un délai de prescription d’une durée égale au délai initial.

Le même article précise que l’effet interruptif d’un acte s’applique à l’infraction pour laquelle est accompli cet acte, mais également, aux infractions connexes. Cet effet interruptif vaut à l’égard de l’auteur mais aussi du coauteur ou du complice qui ne seraient pas eux visés par l’acte interruptif.

Enfin, la loi innove en intégrant une suspension du délai de prescription de l’action publique (article 9-3 du Code de procédure pénale). Dans cette hypothèse, à compter de l’acte, le délai ne repart pas à 0, mais reprend pour la durée restante.

La suspension s’applique en cas d’obstacle de droit prévu par la loi ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilables à la force majeure qui rend impossible la mise en mouvement de ou l’exercice de l’action publique.

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